Adieu somnifères!
Des psychologues mettent au point un programme
pour libérer les insomniaques chroniques de leurs médicaments
Une approche combinant un sevrage graduel de médicaments
et un traitement psychologique aide les insomniaques chroniques
à décrocher des somnifères en moins de trois
mois. L'approche est d'autant plus prometteuse que, chez la majorité
des insomniaques, elle ne réduit pas la qualité
du sommeil et elle n'occasionne pas de problèmes d'anxiété
ou de dépression. Dans le numéro de février
de la revue scientifique American Journal of Psychiatry,
Charles Morin, Célyne Bastien, Bernard Guay, Monelly Radouco-Thomas,
Jacinthe Leblanc et Annie Vallières, de l'École
de psychologie et du Centre de recherche Université Laval/Robert
Giffard, rapportent qu'après 10 semaines de ce traitement
combiné, 85 % des sujets avaient cessé de prendre
des somnifères. Le taux de réussite obtenu avec
chacune de ces deux méthodes appliquées isolément
est encourageant, quoi que moins spectaculaire: il atteint 48
% dans le groupe "sevrage" et 54 % dans le groupe "traitement
psychologique".
Les chercheurs ont testé ces trois approches auprès
de véritables pros du dénombrement de moutons.
Les 76 sujets qui ont participé à l'étude
souffraient d'insomnie depuis 22 ans et ils consommaient des
somnifères (benzodiazépine) depuis 19 ans en moyenne!
"Nous voulions tester notre approche auprès d'insomniaques
endurcis qui peuvent difficilement trouver de l'aide ailleurs",
souligne Charles Morin. Ces personnes avaient tenté à
six reprises, sans succès, de cesser d'utiliser des somnifères.
Les effets bénéfiques du traitement n'ont pas tardé
à se manifester puisque 63 % des participants avaient
cessé toute prise de somnifères après sept
semaines. Dans l'ensemble, les trois approches ont permis de
réduire de 90 % la quantité de somnifères
consommés et de 80 % le nombre de nuits où les
participants ont dû y recourir.
Pas de rebond
Au terme des 10 semaines de traitement, les sujets de trois
groupes dormaient entre 20 et 40 minutes de moins chaque nuit,
mais le temps passé en sommeil profond avait augmenté.
"Il n'y a pas eu d'insomnie de rebond, contrairement à
ce qu'on observe lorsque le sevrage est trop brusque", remarque
Charles Morin. Le suivi effectué un an plus tard a démontré
que les effets positifs du traitement diminuaient légèrement,
mais que l'amélioration de la qualité du sommeil
devenait plus manifeste. "Certains sujets avaient recommencé
à prendre des somnifères, mais de façon
occasionnelle, comme il est recommandé pour maintenir
l'efficacité de ces médicaments et pour prévenir
la dépendance psychologique", commente le chercheur.
Le sevrage graduel vise à réduire le recours aux
somnifères selon un plan pré-établi, sous
supervision médicale. Le traitement psychologique, mis
au point par Charles Morin et son équipe, consiste à
corriger certaines croyances qui contribuent à amplifier
les problèmes d'insomnie, par exemple, qu'il faut dormir
huit heures chaque nuit, qu'il faut toujours se mettre au lit
à la même heure, etc. Il vise aussi l'adoption de
comportements qui favorisent le sommeil, notamment se coucher
uniquement lorsqu'on se sent fatigué, utiliser le lit
seulement pour dormir (à proscrire donc: lecture, télé,
bouffe, réflexion sur fond de plafond; seule exception
autorisée: faire l'amour!), quitter la chambre si le sommeil
ne vient pas après 15 à 20 minutes, et se lever
à la même heure chaque matin peu importe le nombre
d'heures dormies la nuit précédente.
JEAN HAMANN
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