De l'informatique à l'alchimie
Les cimetières de pièces d'ordinateurs
représentent un danger pour l'environnement et la santé
publique dans des pays d'Asie
La plupart des gens se souviennent sans doute de leur premier
ordinateur personnel. Certains l'ont peut-être encore,
d'autres en ont disposé. Voulant bien faire, ces derniers
ont leur vieille boîte beige au recyclage, laissant place
à la plus récente technologie. Tout semble en ordre
jusqu'à maintenant, mais des groupes environnementaux
pensent différemment. Ces vieux appareils électroniques
ont de fortes chances d'aboutir dans certaines régions
pauvres de l'Asie, où ces déchets sont examinés
et triés afin d'y dénicher des pièces ayant
une quelconque valeur, et sont ensuite démolis ou brûlés.
Des milliers d'ouvriers s'exposent ainsi à de nombreuses
substances toxiques, en plus de polluer le sol et les cours d'eau.
En Asie principalement, des habitants de villages entiers s'empoisonnent
chaque jour en tentant de gagner leur vie et de nourrir leurs
proches. Pour environ deux dollars par jour, travaillant sans
protection réelle, des hommes, des femmes et des enfants
passent leurs journées dans ces dépotoirs électroniques.
Ils brûlent quelques pièces, versent de l'acide
sur d'autres, pour tenter d'extraire un peu d'argent ou d'or
de ces matériaux.
Toutes ces activités polluent considérablement
l'environnement. Les pièces électroniques brûlées
relâchent de la fumée cancérigène.
Les acides utilisés rendent le sol inutilisable et l'eau
impropre a la consommation. Par exemple, le village de Guiyu,
en Chine, doit aller chercher l'eau d'un village situé
a plus de 25 kilomètres. Chaque jour, des camions chargés
d'eau desservent la population. Un échantillon d'eau d'une
rivière près de Guiyu a été recueilli
et analysé: le taux de pollution était 190 fois
plus élevé que le niveau permis par l'Organisation
mondiale de la santé. Le problème est grave, surtout
depuis les ordinateurs sont plus rapides, plus performants, moins
chers à chaque année et dotéa d'une gamme
de nouveaux produits, notamment les lecteurs DVD, MP3 et les
caméras numériques.
Des déchets américains
Les États-Unis produisent des milliers de tonnes de
composantes électroniques chaque année. Environ
50 % à 80 % de toutes ces composantes seront exportées
lorsqu'elles ne seront plus utiles. Ces exportations sont possibles
en raison d'une main d'oeuvre moins coûteuse et des politiques
environnementales moins strictes en Asie. De telles exportations
sont illégales au Japon, au Canada et en Europe, mais
les États-Unis les permettent encore, et d'une certaine
façon encouragent de telles pratiques. Il ne faut cependant
pas croire que les États-Unis sont les seuls responsables
de ces exportations. En l'an 2000, au Canada, plus de 40 000
ordinateurs ont été jetés au rebut. Le Canada
a quand même une longueur d'avance dans les plans de recyclage
pour les vieux ordinateurs. Le programme "Ordinateurs pour
les écoles", par exemple, qui vise à recueillir
du matériel destiné à la poubelle, à
le remettre en bon état, et à le distribuer aux
écoles primaires et secondaires du pays.
Bien que la plupart des gens préfèrent ignorer
le problème, certains commerçants ont tenté
d'y apporter une solution. Un programme réel de recyclage
a été mis sur pied, mais son utilisation n'est
pas gratuite ni obligatoire. Sans organisation efficace et officielle,
comme par exemple pour le recyclage du papier ou d'autres déchets
simples, les déchets électroniques américains
continueront d'être exportés en Asie. Une autre
solution serait de sensibiliser les gens à l'utilité
du vieux matériel. Il n'est pas obligatoire de se procurer
toujours les plus récentes versions des logiciels privés.
Un système d'exploitation gratuit et performant comme
Linux fait le travail. Ceci contribuerait à diminuer la
consommation globale d'ordinateurs, ce qui serait déjà
un bon début pour résoudre le problème.
Plusieurs personnes croient qu'il faudrait charger le coût
de recyclage directement lors de la vente d'ordinateurs ou d'autres
appareils électroniques, comme c'est le cas pour les boissons
gazeuses. Sans un tel système, il sera très difficile
de sensibiliser les gens aux effets dévastateurs qu'ont
les déchets exportés par notre société.
Sans pression publique à grande échelle, des endroits
comme Guiyu continueront d'être pollués, et des
populations entières souffriront en tentant d'extraire
quelques pièces de valeur des ordinateurs au rebut, pour
un salaire dérisoire.
MATHIEU PELLETIER
Mathieu Pelletier est étudiant au Département
d'informatique et de génie logiciel. Il est le gagnant
de la première édition d'un concours de vulgarisation
scientifique organisé dans le cadre du Festival de Sciences
et génie sur le thème: "L'environnement et
mon département".
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