Des villages qui s'urbanisent
Réjean Lemoine décrit les nouvelles tendances
dans l'aménagement des campus universitaires aux États-Unis
Un village vert. Voilà la vision des premiers concepteurs
des campus américains lorsqu'ils ont décidé
d'installer les universités hors des grands centres urbains,
dès le 18e siècle, ou celle des dirigeants de l'Université
Laval installant le campus au milieu des champs de Sainte-Foy
dans les années 1950. Réjean Lemoine, conférencier
invité par la Commission d'aménagement de l'Université
Laval (CAMUL), a effectué mardi soir un survol historique
des premiers aménagements universitaires, avant de dresser
un portrait des dernières tendances urbanistiques en vogue
aux États-Unis. Le chroniqueur urbain à la Société
Radio-Canada a profité de sa tribune pour inviter l'Université
Laval à resserrer ses liens avec la ville et les quartiers
de Québec.
Lorsque les fondateurs de l'Université Princeton bâtissent
leur campus dans le New-Jersey entre New-York et Philadelphie
au milieu du 18e siècle, ils veulent vraiment séparer
l'école du reste du monde. Alors que les universités
européennes se trouvent enfermées au coeur de la
cité, les universités américaines s'installent
à la campagne et créent un nouvel espace. «Traditionnellement,
un grand bâtiment est construit, puis de plus petits autour,
les maisons des professeurs, les résidences des étudiants,
explique Réjean Lemoine. La bibliothèque constitue
le centre du campus, puis plus tard le stade sportif, en particulier
dans les universités qui ont des équipes de football
de prestige. Tous ces édifices sont reliés par
une grande aire en gazon.»
Ces campus traditionnels se transforment peu à peu avec
l'arrivée des femmes, des Noirs, et surtout avec l'étalement
urbain puisque la ville les rattrape. Souvent, la cohabitation
entre l'université et les quartiers voisins s'avère
difficile, ainsi que les liaisons entre les deux entités.
«De nouvelles tendances se dessinent concernant l'aménagement
des campus aux États-Unis, explique le conférencier.
Plusieurs universités reviennent ainsi à l'architecture
traditionnelle en remettant en valeur des bâtiments prestigieux,
détruisent des édifices bâtis à la
va-vite, et resserrent leurs liens avec la ville.»
Se rapprocher de son voisin
Réjean Lemoine cite l'exemple de l'Université
de Pennsylvanie, où près de quinze facultés
s'impliquent dans un projet de liaison avec le quartier de Philadephie-Ouest,
connu dans cette ville pour ses problèmes de pauvreté
car il abrite essentiellement des Noirs. À titre d'exemple,
une professeure d'horticulture a fondé des jardins communautaires
avec des habitants de ce quartier voisin du campus, d'autres
universitaires actifs en science sociales ou en architecture
mènent des recherches sur le terrain dans ce coin de la
ville. À travers plusieurs expériences menées
par des universités américaines, il s'agit aussi
de favoriser la mixité sociale dans les quartiers bordant
les campus, et l'intégration des étudiants afin
qu'ils accèdent à des logements à prix modiques.
La question de la circulation automobile et du stationnement
préoccupe également nombre d'instances chargées
de l'aménagement des campus. «À l'Université
d'Emory à Atlanta, raconte le conférencier, les
droits d'inscription comprennent un laissez-passer mensuel pour
circuler en autobus.» D'autres campus mettent l'accent
sur les pistes cyclables, ou choisissent de bannir l'automobile
de certaines zones en créant par exemple des stationnements
dans les quartiers périphériques.
"
«Pour plusieurs, le succès d'un grand campus ne
repose pas seulement sur l'architecture des bâtiments qu'il
contient mais sur leur agencement, le fait qu'il soit vraiment
à échelle humaine, constate Réjean Lemoine.
Les universités doivent prendre conscience que leurs responsabilités
s'étendent au-delà de leurs limites territoriales.»
Toutes ces expériences vont sans doute nourrir la réflexion
de la Commission d'aménagement de l'Université
Laval, tout comme les propos des prochains conférenciers
invités: Pierre Larochelle, professeur à l'École
d'architecture, prendra la parole le 3 février à
17h à la salle Jean-Paul Tardif du pavillon La Laurentienne
(Sujet exploré: «Urbaniser le campus»). Le
10 février, à la même heure et au même
endroit, ce sera au tour de Kenneth Greenberg, consultant en
design urbain («Campus et ville: symbiose»).
PASCALE GUÉRICOLAS
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