Manque de vitamine A au Nord
Cette carence vitaminique touche 10 % des nouveau-nés
du Nunavik et de la Basse-Côte-Nord
La carence en vitamine A frappe de trois à quatre fois
plus fort dans les régions nordiques que dans le Sud du
Québec. C'est la conclusion qui se dégage d'une
étude menée par une équipe de la Faculté
de médecine, après examen de près de 600
nouveau-nés du Nunavik, de la Basse-Côte-Nord et
du Sud de la province.
Frédéric Dallaire, Éric Dewailly, Ramesh
Shademani, Claire Laliberté, Suzanne Bruneau, Marc Rhainds,
Carole Blanchet, Michel Lefebvre et Pierre Ayotte, de l'Unité
de recherche en santé publique, ont mesuré la concentration
de vitamine A dans un échantillon de sang prélevé
dans le cordon ombilical immédiatement après l'accouchement.
Les 375 enfants inuits montraient une concentration moyenne de
16 microgrammes par décilitre, contre 17 pour les 108
enfants de la Basse-Côte-Nord et 20 pour les 112 enfants
du Québec méridional, rapportent les chercheurs
dans un récent numéro du Canadian Journal of
Public Health. L'échantillon de la Basse-Côte-Nord
était composé à parts égales d'enfants
autochtones et non autochtones, mais les moyennes ne différaient
pas dans les deux groupes.
Le pourcentage d'enfants montrant une concentration de vitamine
A sous les 10 microgrammes par décilitre - le seuil indicatif
d'une carence chez le nouveau-né - s'établit à
3 % dans le Sud du Québec, à 9 % au Nunavik et
à 12 % sur la Basse-Côte-Nord. Selon les chercheurs,
il ne faut pas pointer la génétique pour expliquer
ces différences, mais plutôt l'alimentation et le
mode de vie. La source traditionnelle de vitamine A chez les
Inuits, le foie de phoque, est consommé irrégulièrement
au cours de l'année et il contribue peu à l'apport
annuel total. Par ailleurs, la faible disponibilité et
le coût élevé des fruits et des légumes
frais, excellentes sources de vitamine A, en limitent la consommation
autant au Nunavik que sur la Basse-Côte-Nord.
La vitamine A intervient dans l'expression de nombreux gènes
et elle joue un rôle essentiel dans la croissance, la vision
et la prévention des infections. Des études antérieures
avaient signalé qu'au Nuvavik, les femmes en âge
d'avoir des enfants ne consommaient pas suffisamment de vitamine
A dans leur alimentation et que les enfants d'âge préscolaire
étaient particulièrement vulnérables aux
infections. "Comme une carence en vitamine A entraîne
d'importants problèmes de santé, il faudrait envisager
l'instauration d'un programme de supplémentation en vitamine
A pendant la grossesse au Nunavik et sur la Basse-Côte-Nord
afin de favoriser le développement normal des enfants",
concluent les chercheurs.
JEAN HAMANN
|