
Laval au palmarès de Québec Science
Des équipes du Centre de recherche Université
Laval-Robert-Giffard et du Centre de recherche du CHULfigurent
au Top Ten 2003 du magazine de vulgarisation scientifique
Les travaux de l'équipe d'Yves De Koninck sur la douleur
chronique et ceux de l'équipe de Patrick Provost sur le
rôle de l'ARN messager dans l'expression des gènes
ont séduit le jury de la 11e édition du concours
"Les 10 découvertes de l'année" du magazine
Québec Science. Composé d'un savant amalgame
de scientifiques et de journalistes, le jury avait la délicate
mission de sélectionner les dix meilleurs coups de la
recherche en 2003 parmi tous les travaux scientifiques effectués
dans les universités et les institutions scientifiques
du Québec. Pour être considérées,
ces recherches devaient avoir un impact significatif, autant
pour l'avancement des connaissances que pour le bien-être
de la société, et avoir fait l'objet d'une publication
dans une revue scientifique reconnue entre novembre 2002 et octobre
2003.
Québec Science livre le fruit de cet exercice -
forcément subjectif - dans son édition de février
2004, dans le but de souligner l'excellence de travaux accomplis
par des chercheurs de talent et, à travers eux, de saluer
toute la recherche scientifique québécoise.
Aux portes de la douleur
Québec Science a retenu sur son palmarès
2003 les travaux sur la douleur chronique menés par Yves
De Koninck et son équipe du Centre de recherche Université
Laval-Robert-Giffard. Dans la livraison du 21 août 2003
de la revue Nature, Jeffrey Coull, Dominic Boudreau, Karine
Bachand, Steven Prescott, Francine Nault, Attila Sik, Paul De
Koninck et Yves De Koninck décrivent en détail
le mécanisme qui enclenche cette boucle sans fin de souffrances.
En conditions normales, les signaux perçus par notre corps
génèrent un influx nerveux transporté par
les cellules nerveuses jusqu'à la moelle épinière,
d'où il est transmis au cerveau puis décodé.
Dans le cas de la transmission du signal douloureux, il existe
un système de portillon au niveau de la moelle épinière
qui détermine si le signal doit être relayé
ou non au cerveau. Selon les chercheurs, l'hypersensibilité
des personnes souffrant de douleurs neuropathiques serait due
à une inversion du mécanisme de répression
de la transmission du signal douloureux au niveau de la moelle.
"Des stimulations sensorielles qui normalement ne devraient
pas produire de douleur, comme une simple caresse, peuvent se
traduire par une perception de douleur atroce chez les patients
neuropathiques", explique le professeur De Koninck.
Les chercheurs attribuent cette inversion à la perte d'une
protéine (KCC2) de la membrane de certaines cellules nerveuses
du portillon. Cette protéine est responsable du pompage
des ions chlorures vers l'extérieur des cellules nerveuses.
Chez les personnes souffrant de douleurs neuropathiques, cette
pompe inverse le flux normal des ions chlorures de sorte qu'elle
excite les neurones sensoriels de la moelle au lieu de les inhiber.
Ces travaux pourraient conduire à la mise au point d'une
nouvelle classe d'analgésiques d'ici trois à cinq
ans, prédit le professeur De Koninck.
Ne tirez pas sur le messager
Les travaux de Patrick Provost et de son équipe du
Centre de recherche du CHUL sur le rôle de l'ARN messager
dans l'expression des gènes ont aussi retenu l'attention
de Québec Science. En 2002-2003, le chercheur a
d'ailleurs publié différents pans de cette découverte
dans les revues scientifiques Nature, The Proceedings
of the National Academy of Science et The European Molecular
Biology Organisation Journal (EMBO).
Au coeur de cette mécanique complexe se trouvent de courts
segments d'ARN - appelés microARN -, considérés
jusqu'à tout récemment comme des produits de dégradation
métabolique qui traînaient dans la cellule. "Ces
microARN sont complémentaires aux ARN messagers, indique
Patrick Provost. Lorsqu'ils se fixent à eux, les ARN messagers
ne peuvent plus être traduits en protéines."
Pour mieux comprendre d'où proviennent ces régulateurs,
les chercheurs ont entrepris de remonter une à une les
étapes de la voie métabolique qui conduit à
leur synthèse. C'est ainsi qu'ils ont caractérisé
une enzyme, Dicer, qui fabrique les microARN en excisant des
segments d'ARN contenus dans une structure d'ARN à deux
brins en forme de tête d'épingle. "Nous avons
été la première équipe au monde à
exprimer l'enzyme Dicer de l'homme sous forme recombinante",
signale Patrick Provost. Les travaux de son équipe ont
aussi mis en relief le rôle d'une enzyme nucléaire,
appelée Drosha. Les deux enzymes, Drosha et Dicer, interviendraient
de façon séquentielle dans la production des microARN.
En apparence très fondamentales, ces découvertes
pavent la voie à de nouveaux traitements pour certaines
maladies qui résultent de la surexpression d'un ou de
plusieurs gènes, notamment les cancers et les infections
virales. "Les microARN nous donnent le moyen de contrôler
l'expression d'ARN messagers spécifiques avec une précision
inouïe, commente Patrick Provost. Grâce aux outils
du génie génétique, nous pouvons synthétiser
ces microARN et, éventuellement, nous pouvons envisager
de les administrer à des patients pour bloquer la synthèse
des protéines qui posent problème. Je crois que
le potentiel est énorme", conclut le chercheur.
JEAN HAMANN
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