
Une femme, de a à z
La lexicographe Josette Rey-Debove a vécu une grande
aventure éditoriale, humaine et personnelle
Qui n'a jamais consulté Le Petit Robert?
Récemment, dans le cadre du mois des femmes, Josette Rey-Debove,
la "mère" de ce dictionnaire reconnu partout
dans le monde francophone, a donné une conférence
sur sa carrière de femme lexicographe au pavillon Charles-De
Koninck, sur invitation du Centre interdisciplinaire de recherches
sur les activités langagières. "Cherche collaborateur
pour travaux paralittéraires." Josette Rey-Debove
ne se doutait probablement pas qu'en répondant à
cette petite annonce parue dans le journal Le Monde en
1953, elle entamait une grande aventure éditoriale, humaine
et personnelle. Première femme lexicographe, elle a participé
à la naissance du tout premier dictionnaire Le Robert
en 1964 et elle collabore encore aujourd'hui à l'édition
de ce prestigieux ouvrage de référence. En 50 ans
de carrière, outre le fameux dictionnaire, elle a écrit
énormément sur les problèmes de langue,
a participé à des émissions de radio et
a donné des séminaires et des conférences
un peu partout en Europe et en Amérique du Nord.
"J'ai pleuré pour l'écriture d'un article
de dictionnaire, confie-t-elle. J'ai pleuré toute une
journée. C'était pour l'article faire."
Difficile de trouver un mot plus vaste et passe-partout que celui-là
dans la langue française. "Mais je l'ai fait!
dit-elle avec un sourire en coin. J'étais tenace.".
Et de la ténacité, Josette Rey-Debove en a grandement
fait preuve au cours de sa carrière. Ses combats pour
la féminisation des noms de métiers sont épiques,
tout comme ses prises de bec avec la réactionnaire Académie
française. Elle a effectivement été de ceux
et de celles qui ont participé au travail de féminisation,
et cette réforme de la langue lui a valu les disgrâces
de certains membres huppés de l'Académie. C'est
donc un peu grâce à elle qu'on peut parler de la
ministre, la policière, la professeure...
Elle semble quand même réticente aux féminins
en eure, car ils ne respectent pas tout à fait les
règles de la langue française. Comment concilier
sa conscience de lexicographe avec sa conscience de femme? Elle
répond: "La promotion de la femme vaut bien un barbarisme."
Une langue très masculinisée
Au cours de sa conférence, Josette Rey-Debove a abondamment
parlé de la place de la femme dans le dictionnaire. C'est
que, dans sa structure même, la langue française
est très masculinisée. Il suffit de penser à
l'existence du genre et aux règles d'accord, où
le masculin l'emporte, pour s'en persuader. Cependant, le lexicographe
garde une part de liberté dans l'écriture d'un
dictionnaire, et cette liberté, c'est l'exemple. Pour
redonner sa place à la femme dans le dictionnaire, il
importe donc de rédiger soigneusement ses exemples et
d'y intégrer la présence féminine. De plus,
le féminin est beaucoup plus riche de renseignements relatifs
à la grammaire que le masculin lorsqu'il est question
d'accords. L'exemple préféré de la conférencière?
"Une femme incomparable." "Car, dit-elle, "incomparable",
n'est-ce pas l'adjectif qui convient le mieux pour parler d'une
personne remarquable, mais du sexe féminin?"
MELODIE BENOIT-LAMARRE
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