Ceci est mon corps
Des étudiantes et des étudiants
de l'École des arts visuels proposent une communion polymorphe
à la salle d'exposition du pavillon Alphonse-Desjardins
Il a suffi d'une seule petite annonce intitulée "Corps
à partager", apposée dans l'ascenseur de l'Édifice
La Fabrique, pour enflammer l'imagination d'une trentaine d'étudiants
de l'École des arts visuels qui affichent leurs oeuvres
jusqu'au 30 janvier à la salle d'exposition du pavillon
Alphonse-Desjardins.
Annie Lévesque, Annie Lalancette et Florence LeBlanc,
toutes trois étudiantes au baccalauréat en arts
plastiques, ont eu l'idée de cette exposition qui regroupe
des sculptures, des photos, des installations, des peintures
et des dessins. "Il semble y avoir un retour vers la représentation
après de nombreuses années d'art conceptuel, constate
Florence LeBlanc. Nous sommes parties de l'idée d'un corps
qui s'offre ou de corps qui entrent en contact, que ce soit par
le langage des signes, la sexualité, ou de corps partagés
comme dans le cas de siamois."
D'emblée, c'est la diversité des visions corporelles
qui frappe le visiteur en pénétrant dans la salle
d'exposition. À première vue, certaines semblent
très classiques comme les photos de femme nue d'Émilie
Laverdière. Cependant, le traitement qu'elle fait subir
à l'image de son modèle surprend, car elle a choisi
de présenter le décor en arrière-plan dans
toute sa froideur industrielle. "J'ai beaucoup joué
sur les oppositions de couleurs, chaudes pour le corps humain
et froides dans le cas du décor, explique-t-elle, peut-être
pour mettre en évidence mon intérêt pour
le contact humain." Juste à côté, les
clichés médicaux de Martin Henry offrent un contraste
saisissant. L'intérieur du vieux corps humain qu'il présente
pourrait constituer l'avenir du beau modèle féminin
présenté un peu plus loin. "Je m'intéresse
aux innovations médicales, explique ce finissant au baccalauréat
en arts plastiques, à toutes ces technologies, aux prothèses
qui envahissent notre corps." On ne peut s'empêcher
de s'étonner de la longueur du fil du stimulateur cardiaque
sur le cliché que lui a cédé un centre hospitalier.
Étonnantes enveloppes
Plusieurs jeunes artistes ont choisi le pinceau et la figuration
pour s'exprimer. Annie Lévesque, éprise de dessin
depuis son enfance, propose un magnifique grand format sur des
mains négligemment glissées sous un gilet. Les
couleurs utilisées, mais aussi le geste choisi, traduisent
toute l'intimité et la sensualité reliées
à cette partie du corps dénudé. Le couple
naïf mis en scène par Marie-Ève Vignola attire
l'il également. L'homme et la femme en maillot de bain
ressemblent à la représentation enfantine de personnages
stéréotypés comme Barbie et Ken, même
si les traces et coulées de peinture sur le tableau produisent
un effet dérangeant.
Plusieurs jeunes artistes ont choisi pour leur part de parler
du corps en trois dimensions. Josée Sergerie a ainsi plâtré
à demi son modèle pour produire une silhouette
couchée aux allures de coquille en décomposition.
D'autres ont travaillé le métal. Luc Blanchet,
par exemple, a assemblé un personnage avec des morceaux
métalliques dans lequel on a envie d'entrer, car certaines
portions esquissées du corps humain, comme l'épaule,
la jambe, le sein pourraient former une nouvelle enveloppe. À
quelques mètres de là, le Don Quichotte de Jessica
D'amours-Fraser impressionne. La jeune fille a soudé de
lourds outils en métal pour produire son personnage mythique
plus vrai que nature. Mireille Brousseau a elle aussi usé
du fer à souder. Son corset de métal, fait de maillons
de chaînes de vélo et de rayons de roue, surprend
par la finesse de son exécution, mais provoque aussi un
certain malaise chez le spectateur qui ne peut manquer de s'interroger
sur la finalité d'un si lourd objet.
PASCALE GUÉRICOLAS
|