LE COURRIER
La désignation d'un futur recteur
La désignation d'un Recteur ayant les qualités
et aptitudes requises peut être la résultante de
deux formules, comme le suggère le Rapport d'étape
du Groupe de travail sur le mode de désignation du recteur,
ou Comité Vincent Lemieux, dont chacune a son mérite
et ses inconvénients. Dans l'une et l'autre, il importe
de situer l'Instance qui doit avoir un poids prépondérant,
d'une part, et le Processus qui permet une consultation ou participation
des divers composantes de la communauté universitaire
ou de leurs représentants, d'autre part. Nous prenons
pour acquis que cette consultation ou participation est souhaitable.
Le scénario no. 1
Dans le scénario no. 1 qui correspond à certains
égards à la situation actuelle, l'Instance prépondérante
est le Collège électoral composé d'une brochette
de personnes déjà fortement impliquées dans
la gestion administrative et académique ou la vie universitaire.
Actuellement, il s'agit des membres des deux Conseils (Conseil
d'administration et Conseil universitaire) et des trois grandes
Commissions ( des Études, de la Recherche, des Affaires
étudiantes). Personnes ne doute que ces personnes soient
aptes à faire un choix réfléchi et éclairé,
même si elles n'ont pas été mandatés
spécifiquement pour élire un recteur. Mais la taille
du Collège est-elle appropriée? Le Rapport d'étape
suggère de la réduire de 141 à 91, soit
en excluant les personnes provenant des trois grandes Commissions,
c'est à dire surtout des professeurs et des étudiants.
L'avantage recherché est de faciliter et d'alléger
le déroulement du processus. Il est effectivement plus
simple de convaincre, de réunir et de faire voter 91 personnes
que 141. Toutefois, cet avantage est loin de contrebalancer la
perte que constitue l'élimination d'un nombre importants
de professeurs et d'étudiants. Il y aurait là un
déficit démocratique difficile à combler
même par une consultation bien menée. L'expérience
de plusieurs élections, même récentes, a
révélé que c'est la procédure qui
a été déficiente et non la taille du Collège.
L'amélioration de la procédure passe par une rationalisation
des délais et une détermination de la majorité
requise aux différents tours qui exclut les "non-votes"
c'est à dire les abstentions, les votes blancs et les
votes nuls. Un scrutin de Collège électoral au
sein d'une institution universitaire n'est pas une élection
générale fédérale, provinciale ou
municipale où madame-monsieur-tout-le-monde participe
du mieux qu'il le peut, Il faut escompter que les membres (majeurs,
vaccinés et bardés de diplômes!) d'un Collège
électoral universitaire comprennent l'importante tâche
qui leur est confiée et que seule une participation active
et éclairée soit retenue. Le terme "participant
au scrutin" doit être défini en excluant expressément
les abstention, les bulletins blancs ou nuls.
Le Processus importe tout autant que l'Instance décisionnelle.
A cet égard, l'idée d'une élection favorise
la tenue d'une campagne électorale avec tout ce que cela
comporte d'avantages (élaboration d'un programme, débats
d'idées, travail d'équipe, rencontres publiques,
implication des média), mais aussi d'inconvénients
(dépenses électorales, cabales, sollicitation,
partisannerie). Ces inconvénients peuvent être jugulés
par une réglementation adéquate et fort simple.
Dans une université idéale cela ne devait pas être
nécessaire, mais l'esprit est prompt et la chaire faible.
Par ailleurs, cette campagne électorale n'exclut pas l'idée
de consultations organisées au sein des diverses composantes
de la communauté universitaire, la tenue de scrutins indicatifs.
Le Comité des candidature peut à cet égard
jouer un rôle important d'animation, comme nous le verrons
plus loin.
Le scénario no. 2
Selon le scénario no. 2 suggéré par
le Rapport d'étape, l'Instance qui devient prépondérante,
qu'on le veuille ou non, est le Conseil d'administration des
25, où rappelons-le, on retrouve 3 professeurs et 3 étudiants.
Certains opineront que le rôle du Conseil n'en est qu'un
d'arbitrage; il agirait un peu comme un tribunal impartial. Or
si cette situation est susceptible de se produire, l'expérience
passée révèle plutôt que la décision
qu'aurait à prendre le Conseil est cruciale.
Le Comité des candidatures verrait modifier quelque peu
son rôle. Il serait chargé de soumettre à
l'Assemblée des deux Conseils un document énonçant
les enjeux pour l'Université de même que les critères
retenus pour le choix des candidats. Après avoir reçu
l'avis de la dite Assemblée des Conseils, il invite les
candidats retenus, organise des débats, tient un scrutin
indicatif au sein de l'Assemblée des deux Conseils, et
finalement fait rapport au Conseil d'administration avec la liste
des candidats recommandés.
Cette formule faciliterait, suggère-t-on, le recrutement
de candidats de l'extérieur. Il s'agit là d'un
noble propos, mais il faut être réaliste. Dans l'étal
actuel de notre culture institutionnelle, il est difficile d'imaginer
que perce un candidat sérieux qui n'ait pas une connaissance
approfondie et une expérience solide du milieu dont il
dirigera les destinées; mais il n'est pas exclus que cela
puisse se trouver à l'extérieur.
Observations
Avec ses défauts, la formule actuelle a été
adoptée il a une trentaine d'années pour permettre
la transition d'un régime autoritaire vers un régime
plus démocratique. On peut dire que l'élection
du Recteur par un Collège fait déjà partie
de la culture institutionnelle, même si Laval est la seule
université canadienne à en être dotée.
Or les résultats obtenus jusqu'ici sont loin d'être
néfastes. Elle nous a donné cinq recteurs de très
bonne sinon d'excellente qualité. Ils ont su s'entourer
d'équipes de qualité, et l'Université a
fait sous leur impulsion des progrès remarquables. La
procédure comportait certes des déficiences qui
ont été corrigées ou qui peuvent l'être
facilement. Il y a eu lors des élections de 1997 et de
2002 quelques dérapages lors de luttes certes chaudement
disputées. Mais cela ne doit pas occulter le fait qu'au
moment de ces campagnes électorales, tout comme au cours
des campagnes antérieures, il y a eu des débats
et échanges constructifs pour l'Université.
Certains m'objecteront que nous avions une procédure électorale
assez analogue pour la désignation des doyens, que nous
avons abandonnée en 1995. De nombreuses raisons ont justifié
le remplacement cette formule par celle d'une consultation préalable
à une nomination par le Conseil d'administration. De toute
façon, le processus électoral était issu
d'une pratique établie au fil des années car en
vertu des Statuts les doyens étaient toujours nommés
par le Conseil. Les expériences variées et souvent
néfastes qui ont trop souvent perturbé le climat
des Facultés ont convaincu la majorité qu'il fallait
passer à autre formule. On ne peut pas dire la même
chose de l'élection du Recteur. L'expérience de
sept élections ne nous permet aucunement les mêmes
constations et conclusions. Par ailleurs, l'élection par
des représentants de la communauté universitaire
donne incontestablement au Recteur élu une légitimité
qui renforce son statut ou sa situation dans le réseau
des relations qu'il cultive avec le Gouvernement et l'ensemble
de la société que dessert l'Université,
qu'il entretient avec les deux Conseils, les trois grandes Commission,
les unités et autres composantes de l'Université.
Le Rapport d'étape du Comité Lemieux propose effectivement
deux scénarios qui se ressemblent . Dans le premier, le
Collège électoral est constitué des deux
Conseils; dans le second, le Conseil d'administration reste l'instance
décisionnelle finale mais après concertation d'une
Assemblée des deux Conseils. Nous proposons, quant à
nous, de maintenir le statu quo du Collège électoral
à 141 membres et d'améliorer la procédure
dans le sens des suggestions du Rapport d'étape, notamment
en redéfinissant le rôle du Comité des candidatures.
Ce Collège nous paraît offrir une représentation
assez équilibrée et diversifiée des forces
vives de notre communauté universitaire. Réduire
la voix des professeurs et celle des étudiants nous paraît
inadmissible, car il s'agit là de deux des composantes
les plus essentielles d'une université. Les étudiants
ne sont pas qu'une clientèle qu'on sert ou qu'on dessert;
les professeurs ne sont pas qu'une troupe de travailleurs syndiqués
confortablement assis sur leur convention collective. L'Université
vivante et dynamique, c'est autre chose. Aussi la participation
des professeurs et des étudiants à la gouverne
de l'institution, y compris à l'élection du Recteur,
a-t-elle une haute valeur symbolique et doit être revalorisée.
PATRICE GARANT
Professeur associé de droit administratif
et constitutionnel
NDLR On trouvera le texte du Rapport d'étape du Groupe
de travail sur le mode de désignation du recteur sur le
site Web de l'Université (http://www.ulaval.ca/sg/greffe/Avis/Designationrecteur.htm).
|