
Farine santé
Son enrichissement en acide folique a fait chuter le taux
de malformations congénitales au Québec
L'ajout d'acide folique dans la farine n'a pas tardé à
livrer ses effets bénéfiques sur la santé
des nouveau-nés. Cette mesure, adoptée en 1998
par le gouvernement canadien, a fait chuter de 32 % l'incidence
des malformations du tube neural au Québec, révèle
une étude publiée dans la revue scientifique Birth
Defects Research par une équipe dirigée par
le professeur Philippe De Wals, de la Faculté de médecine.
Les chercheurs arrivent à ce constat après avoir
comparé l'incidence des malformations du tube neural telles
que le spina bifida et l'anencéphalie - qui provoquent
des handicaps physiques et intellectuels importants et même
la mort de l'enfant - avant et après l'entrée en
vigueur de la mesure d'enrichissement de la farine en acide folique.
Entre 1992 et 1997, l'incidence des malformations du tube neural
atteignait 1,9 cas par 1000 naissances au Québec. Pour
la période 1998 à 2000, ce chiffre est passé
à 1,3 cas par 1000 naissances.
Comme il n'y a pas eu de changement marqué dans la prise
de suppléments alimentaires entre les deux périodes
et que les outils de dépistage de ces maladies sont demeurés
essentiellement les mêmes, les chercheurs attribuent cette
amélioration à une hausse de la consommation d'acide
folique provenant des aliments contenant de la farine enrichie.
"Nous espérions que la mesure permettrait une réduction
de 20 % des cas, de sorte que les résultats dépassent
nos espérances, avoue Philippe De Wals. Il s'agit de la
première démonstration convaincante à grande
échelle de l'efficacité de cette mesure pour la
prévention des maladies congénitales."
L'acide folique provient des folates contenus dans les légumes
verts, les fruits, les grains entiers et la viande. Un régime
alimentaire équilibré ne procure pas suffisamment
d'acide folique pour répondre aux besoins d'une femme
enceinte et de l'enfant qu'elle porte, souligne le professeur
De Wals. Les autorités médicales canadiennes recommandaient
déjà aux femmes en âge d'avoir des enfants
de consommer des suppléments vitaminiques contenant de
l'acide folique. Si, en plus, le Canada a décidé
d'ajouter de l'acide folique à la farine produite au pays,
c'est que la formation du tube neural de l'embryon est particulièrement
intense dans les quatre premières semaines de grossesse,
soit bien souvent avant que les femmes ne sachent qu'elles portent
un enfant. Comme la moitié des grossesses canadiennes
sont non planifiées et que l'organisme ne stocke pas l'acide
folique, il était "plus prudent d'intégrer
l'acide folique à la chaîne alimentaire plutôt
que de miser uniquement sur la prise de suppléments vitaminiques",
affirme le professeur De Wals.
Le chercheur croit que l'effet protecteur de l'acide folique
serait encore plus grand si on augmentait la concentration de
cette vitamine dans la farine. "Il faut d'abord s'assurer
que cette mesure n'aurait pas d'effets indésirables sur
le métabolisme des autres vitamines", prévient-il
toutefois.
Pour l'instant, seuls le Canada, les États-Unis et le
Chili procèdent à l'ajout d'acide folique dans
la farine. L'efficacité de cette mesure, démontrée
par l'équipe du professeur De Wals, pourrait cependant
inciter d'autres pays à emboîter le pas. "Il
s'agit d'une mesure simple, très efficace et qui n'a pas
d'incidence sur le prix de la farine", fait valoir le chercheur.
Chaque année, environ 200 000 cas de spina bifida et d'anencéphalie
surviennent à travers le monde. L'addition d'acide folique
à la farine permettrait de prévenir quelque 64
000 décès ou maladies graves d'enfants.
JEAN HAMANN
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