Une question de mesure
Deux professeures de l'École de psychologie ont mis
au point un inventaire des conduites parentales psychologiquement
violentes
Francine Lavoie et Marie-Hélène Gagné, deux
professeures de l'École de psychologie, ont mis au point
un instrument de mesure destiné aux jeunes de 10 à
17 ans permettant pour la première fois d'évaluer
la violence psychologique qu'ils subissent dans leur milieu familial.
Jusqu'à présent, en effet, les questionnaires sur
ce sujet s'adressaient essentiellement aux parents ou procédaient
rétrospectivement en interrogeant les adultes sur leurs
souvenirs d'enfance. Une partie des résultats de leur
recherche viennent de paraître dans La revue canadienne
de psychologie.
«La violence psychologique reste difficile à détecter
même si elle touche sans doute un grand nombre d'enfants,
reconnaît Marie-Hélène Gagné. Les
mots blessants qui atteignent l'intégrité de la
personne génèrent pourtant beaucoup de détresse.»
L'inventaire des conduites parentales psychologiquement violentes
(ICPPV) tente donc de cerner les mots ou les attitudes pouvant
être classés parmi les comportements violents. Une
partie des questions, souvent très précises, portent
par exemple sur la dureté excessive du parent. L'enfant
doit déterminer s'il est puni pour des choses qu'il n'a
pas fait, si on l'oblige à rester sans raison en compagnie
de l'adulte qui s'occupe de lui simplement pour lui tenir compagnie
ou si on lui fait des promesses qu'on ne tient pas. D'autres
questions permettent d'identifier une certaine désorganisation
parentale en demandant à l'enfant d'indiquer si le parent
l'encourage à prendre de la drogue ou le met à
la porte.
Éduquer ou violenter?
C'est bien sûr la fréquence de ces comportements
violents et leur nombre qui permet aux utilisateurs de cet inventaire
de déterminer à la fin du questionnaire si l'enfant
interrogé se sent ou non victime de violence psychologique.
Marie-Hélène Gagné reconnaît d'ailleurs
volontiers qu'il s'avère parfois difficile de déterminer
ce qui relève d'une attitude violente ou d'une pratique
disciplinaire sanctionnant une attitude inadmissible. «Contrôler
le comportement de l'enfant fait partie du rôle de parent,
explique-t-elle, mais ce comportement ne doit pas pour autant
être abusif, en exerçant par exemple un contrôle
excessif comme empêcher l'enfant de voir son autre parent.»
Jusqu'à présent, l'inventaire des conduites parentales
psychologiquement violentes a été testé
auprès de plus de 300 enfants de 10 à 17 ans. Ce
test semble répondre au mandat de départ, c'est-à-dire
qu'il mesure bien effectivement la violence psychologique. D'autres
chercheurs ont donc décidé de s'en servir, notamment
à l'École de service social où le questionnaire
va être utilisé dans une étude portant sur
l'adaptation des enfants vivant une séparation parentale
avec conflits. Marie-Hélène Gagné et Francine
Lavoie pourraient également bientôt traduire leur
test et voir de quelle façon il peut s'appliquer à
une autre réalité culturelle. Il suffit d'observer
la différence d'attitude des parents québécois
et européens face à la fameuse fessée pour
comprendre que les remarques adressées à l'enfant
n'ont pas la même portée d'une société
à l'autre.
PASCALE GUÉRICOLAS
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