Ô miroir social
Valérie Laforge explore la filiation
entre le costume et la culture
Le fait de se vêtir n'a pas qu'une fonction protectrice.
C'est aussi l'expression d'un besoin fondamentalement humain
qui consiste à se montrer, à faire parler de soi,
à sentir que l'on existe. Le costume constitue également
une manière d'être et de se présenter. Il
a en plus une valeur historique puisqu'il permet de comprendre
l'évolution d'une société et des mentalités.
"Le mot costume dérive du mot coutume", explique
Valérie Laforge, chargée de cours en ethnologie
au Département d'histoire, qui donne cet hiver le cours
optionnel "Costumes et cultures". "Le costume
est un élément qui permet de définir la
culture, poursuit-elle. C'est un discours, il fait partie de
la représentation et concerne tout le monde. Il participe
à l'interrelation sociale et permet de déterminer
s'il y a adhésion à un groupe social ou s'il y
a rébellion."
Des dandys aux punks
Dans son cours, Valérie Laforge s'attarde entre autres
à l'influence des dandys sur la société
anglaise du 19e siècle. "Le beau et le chic, la sobriété
et le bon goût véhiculés par le dandysme
ont contribué en grande partie à fixer les formes
du costume masculin dans ce pays et en Occident, souligne-t-elle.
Le complet-veston classique d'aujourd'hui a une filiation avec
ces formes." L'expérience anglaise revient dans le
cadre du cours, cette fois avec l'esthétique punk abordée
dans le volet consacré aux anticonformismes de la jeunesse
et aux marginalités. Née dans les années
1970, cette esthétique véhicule un rejet des valeurs
traditionnelles avec une agressivité quasi guerrière.
"Une détresse transparaît de cette jeunesse
qui n'a pas connu la guerre ou de conflits armés et qui
ne connaît donc pas toute la portée de sa prise
de position", indique Valérie Laforge. Quant au phénomène
plus large de l'anticonformisme de la jeunesse, il est encore
très perceptible, très palpable. "Des styles
se développent encore aujourd'hui, explique-t-elle. Tout
le monde parle de l'habillement dans les écoles secondaires.
Les filles portent des chandails très courts, des pantalons
à taille très basse en plus d'avoir le nombril
à l'air. C'est encore l'idée de la rébellion
face à l'emprise de la famille, et en même temps
l'idée du sentiment d'appartenance très fort à
un groupe."
De la tradition à la modernité
La société québécoise occupe
une place importante dans le cours de Valérie Laforge.
Elle rappelle qu'au siècle dernier, une tradition du sur-mesure
s'est développée entre Paris et Montréal.
Dans un passé pas si lointain, vu l'emprise des valeurs
religieuses sur la société, les femmes devaient
se couvrir la tête à l'église pendant la
messe. Et il a fallu attendre les années 1970 avant de
voir des femmes porter des bottes cavalières. "Jusque-là,
dit-elle, ces bottes étaient perçues comme un symbole
masculin de domination, de virilité. Dans l'histoire de
la mode, le cavalier botté projetait l'image d'un certain
pouvoir. Avec la montée du féminisme, s'approprier
ces accessoires revenait pour les femmes à s'affirmer,
c'était une prise en charge de leur autonomie."
Selon Valérie Laforge, Paris est encore aujourd'hui la
capitale de la mode en Occident. Au début du 20e siècle,
le couturier Paul Poiret a libéré la femme du corset
et fait la promotion de la silhouette longiligne. Après
la Seconde Guerre mondiale, le couturier Christian Dior prônait
la taille fine bien soulignée, l'élégance
du gant et des talons aiguilles mettant en valeur la cheville.
Le costume et les guerres, les costumes régionaux pour
la construction d'une identité nationale, l'influence
de la presse magazine et la vente par catalogue, l'avènement
du prêt-à-porter et le métissage des genres
sont d'autres aspects qui seront abordés cet hiver dans
le cours "Costumes et cultures".
YVON LAROSE
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