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Le fil d'araignée est un matériau
d'une polyvalence exceptionnelle. La soie qui le compose a la
résistante des meilleurs aciers bien que sa densité
soit six fois moindre. Sa finesse fait rêver à un fil à suturer révolutionnaire. Sa flexibilité, son élasticité et sa solidité en font un textile de choix pour la fabrication de produits allant de tendons artificiels jusqu'aux gilets pare-balles. |
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Malheureusement, cette précieuse soie ne se trouve pas sous le pas d'un cheval. Bien que nos maisons en soient remplies, les araignées ne peuvent être domestiquées. Elles sont territoriales, ce qui n'est pas leur moindre défaut puisqu'elles sont aussi cannibales. Sans compter le fait qu'elles ne produisent pas de soie sur demande. Bref, si quelqu'un vous offre d'investir dans une ferme d'élevage d'araignées, pensez-y à deux fois.
Jeffrey Turner et sa firme Nexia Biotechnologies ont misé
leurs sous sur une autre filière pour exploiter l'Eldorado
que fait miroiter la soie d'araignée. Les chercheurs de
cette compagnie montréalaise ont réussi à
intégrer les gènes qui contrôlent la production
de la soie d'araignée dans des chèvres et celles-ci
expriment les deux protéines qui composent la soie dans
leur glande mammaire. "Nous aurions pu choisir la vache
parce qu'elle produit plus de lait ou la souris parce que c'est
plus simple d'y transférer des gènes", a expliqué
Jeffrey Turner, lors d'une conférence présentée
le 4 décembre au pavillon Marchand. "Si nous avons
opté pour la chèvre, c'est parce que son cycle
de reproduction est plus rapide que celui de la vache et parce
que c'est un animal plus facile à traire que la souris!"
Nexia récupère les protéines recombinantes
de soie d'araignée dans le lait de ses chèvres
et elle a mis au point un procédé pour les filer.
La fibre qui en résulte, brevetée sous le nom de
BioSteel, offre des performances plus intéressantes que
bien des matériaux existants, mais elle demeure, pour
l'instant, une imitation imparfaite de la véritable soie
d'araignée. La raison? Nexia l'ignore et c'est pourquoi
elle s'est associée aux chercheurs Michel Pézolet
et Michèle Auger, du Département de chimie de l'Université
Laval, pour trouver une explication.
Pour mieux comprendre comment les différents paramètres
du procédé de filage influencent la structure moléculaire
et les propriétés de la fibre BioSteel, les deux
chercheurs vont sortir l'artillerie lourde: microspectroscopie
Raman, spectroscopie infrarouge à transformée de
Fourier, spectroscopie de résonance magnétique
nucléaire en solution et à l'état solide,
diffraction des rayons X aux grands angles et mesures de force
de traction. D'ailleurs, les deux chercheurs ont demandé
à une firme américaine de l'Idaho de leur fabriquer
une microétireuse qui permettra d'étudier comment
la conformation et l'orientation des protéines d'une fibre
de soie change à mesure qu'on l'étire.
"Présentement, Nexia est en avance sur ses concurrents,
mais pas sur l'araignée, commente Michel Pézolet.
Notre recherche devrait les aider à optimiser leur procédé
de filage de façon à mieux contrôler les
propriétés des fibres pour des applications industrielles
et médicales." Au cours des trois prochaines années,
le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie
investira 300 000 $ dans ce projet. Nexia y ajoute un montant
équivalent, essentiellement en produits et en services.
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