
Le sida banalisé?
Aujourd'hui, le sida se profile comme une maladie plus discrète,
voire invisible, dont les ravages sont moins mortels. Il n'est
donc pas surprenant que l'on fasse moins de prévention
dans le milieu gai qu'au cours des deux dernières décennies.
Pourtant, la maladie est loin d'être enrayée et
parce qu'une certaine forme de banalisation s'installe, les méthodes
de lutte contre le sida doivent s'adapter aux nouvelles réalités
de la communauté gaie.
C'est ce qui ressort d'un débat organisé la semaine
dernière par le Groupe gai de l'Université Laval
(GGUL) sur le thème "Homosexualité et sida:
la fin d'une guerre?", animé par Daniel Laroche,
militant du GGUL à ses débuts, c'est-à-dire
il y a 25 ans, auquel participaient Robert Leclerc, responsable
des activités de la communauté gaie à MIELS-Québec,
Pierre Berthelot, professionnel en santé publique, et
Jean-François Therrien, étudiant en psychologie
et membre du GGUL.
Dans la communauté gaie d'il y a 20 ans, la perte d'amis,
de conjoints ou d'amants touchés par la maladie concrétisait
les risques d'attraper la maladie. "Le sida présentait
une agression pour une communauté qui n'avait que peu
ou pas d'expérience de la solidarité mais qui a
développé, à cause de cette maladie, une
cohésion très forte", a souligné Robert
Leclerc. Mais maintenant que les modes de transmission du sida
sont mieux connus, que l'espérance de vie des sidéens
s'est allongée et que les traitements se raffinent, la
banalisation de la maladie pourrait avoir des conséquences
graves. Les relations sexuelles non protégées semblent
être en recrudescence, en particulier chez les jeunes chez
qui les pratiques et le mode de vie diffèrent de ceux
de la génération précédente. Ainsi,
l'affirmation de l'identité sexuelle est plus précoce
- en partie grâce à des parents plus tolérants
et à l'existence de groupes d'affinité dès
l'adolescence -, une crise des valeurs a cours et les murs changent,
en raison notamment des impératifs de la performance et
du développement des technologies. On remarque en effet
qu'avec Internet l'anonymat, l'immédiateté et l'individualisme
ont leur part à jouer dans le recul des pratiques sécuritaires
et des campagnes de prévention.
La guerre au sida est donc loin d'être terminée,
mais les armes de combat doivent s'adapter aux nouvelles réalités
de la communauté gaie. L'armistice ne sera pas signée
tant que des vaccins préventifs, des traitements curatifs
et, surtout, les moyens économiques de les offrir à
tous n'existeront pas pour mettre fin à l'épidémie.
Il faut donc reprendre de plus belle l'éducation dans
la communauté gaie et garder à l'esprit que la
sexualité n'est pas affaire de raison mais d'émotivité
et que se protéger demande un grand respect de soi. La
prévention est d'autant plus importante qu'elle constitue,
pour le moment, l'arme la plus accessible et la plus efficace
contre le sida.
JULIE CLAVET-DROLET
Programme Études-travail
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