
L'université dans l'économie du savoir
Le compte rendu de la première édition
des Rencontres Champlain-Montaigne est l'occasion de réfléchir
sur les liens que les universités entretiennent avec leur
entourage socio-économique
Les villes de Québec et de Bordeaux, jumelées
depuis 1962, n'en sont pas à leurs premières collaborations.
Déjà en 1758, une escadre partait de Bordeaux pour
secourir et approvisionner Québec, alors aux prises avec
les Anglais. Coulée en 1760, l'escadre est tout de même
devenue un symbole des liens entre les deux cités, qui
se manifestent à de nombreuses occasions. Un des plus
récents exemples cette persistance fut, l'an dernier à
Québec, l'édition initiale des Rencontres Champlain-Montaigne,
organisées de concert par les partenaires des deux villes.
C'est Jean-Paul L'Allier qui, lors de sa mission bordelaise en
1999, avait lancé l'idée de ce colloque récurrent,
idée saisie ensuite par le maire de Bordeaux Alain Juppé.
Alors que la deuxième édition avait lieu cette
année à Bordeaux, le cycle se poursuivra maintenant
de façon bisannuelle et alternera d'une ville à
l'autre.
La rencontre qui s'est déjà déroulée
ici, du 3 au 5 octobre 2001, avait pour thème les rapports
entre l'université et les acteurs socio-économiques
de sa région, ce dont les Presses de l'Université
Laval permettent de rendre compte avec le livre Villes, régions
et universités, Les acteurs et leurs pratiques. Colligés
par Raymond Hudon et Jean-Pierre Augustin, les textes permettent
de mesurer l'étendue d'un questionnement qui résume
en grande partie la raison d'être des Rencontres.
Comme le dit Florian Sauvageau dans son introduction à
la première séance, le prétexte même
de ces discussions porte à débat. Entre vouloir
dépasser la conception de l'université comme un
vase clos et l'ouvrir à des influences mettant possiblement
sa mission cognitive en danger, la distance peut en effet sembler
très mince. Selon Sauvageau, l'interrogation est cependant
justifiée par une exigence de modernité, puisque
l'université serait déjà entrée dans
une nouvelle économie du savoir, se percevant comme "producteur
et diffuseur de connaissances utiles." C'est dans ce sens
que va la communication de François Tavenas, alors recteur
de l'Université Laval, intitulée "De la tour
d'ivoire à l'agora", et dans laquelle il tente de
décrire les règles qui doivent régir les
relations entre l'institution et les divers intervenants. Quant
à Jean-Pierre Rioux, il décrit la situation européenne
en insistant sur le développement historique de l'université,
pour finir par proposer un équilibre entre l'universalité
de la mission et la "localisation de sa mise en uvre".
Dans les deux séances suivantes, ce sont justement les
différents niveaux d'interaction qui sont étudiés.
De la ville à la région, on observe notamment l'exemple
de l'Université du Québec et de son investissement
des régions, de même que, du côté français,
l'exemple d'une université sise à Agen, une petite
ville d'Aquitaine.
Décentrée, appelée à gérer
sa propre diffraction en réseaux régionaux et internationaux,
l'université reçoit ici davantage de questions
que de réponses, d'où la pertinence des autres
Rencontres Champlain-Montaigne qui sont prévues. Entre
l'université idéale, totalement hiérarchisée,
et la mosaïque de collaborations internes et externes, d'autres
réflexions du genre ne seraient pas non plus dénuées
de pertinence.
THIERRY BISSONNETTE
Villes, régions et universités, Les acteurs
et leurs pratiques, Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine
/ Presses de l'Université Laval.
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