
Des profs libres et heureux
L'Université du troisième âge de Québec
célèbre ses 20 ans
Le professeur Louis Balthazar a pris sa retraite du Département
de science politique en 1997. Mais cinq ou six ans auparavant,
il commençait déjà à enseigner à
l'Université du troisième âge de Québec
(UTAQ). "J'y allais et j'y vais toujours avec grand plaisir",
indique-t-il. Selon lui, ce type d'enseignement est dépouillé
des aspects ennuyeux de la pédagogie, comme corriger pendant
de longues heures, tenir des examens ou monter des bibliographies.
"L'université du troisième âge, précise
Louis Balthazar, offre une grande liberté et permet un
contact agréable et gratifiant avec des gens au volume
d'expérience très différent qui, contrairement
aux jeunes étudiants du premier cycle, ne se gênent
pas pour exprimer leur appréciation!" Selon lui,
l'hétérogénéité des groupes
peut représenter un défi. "Certains de mes
étudiants ont eu peu accès à l'éducation,
dit-il. Pour eux, entrer à l'Université est un
rêve devenu réalité. Certains n'ont même
jamais lu de journaux et posent parfois des questions très
simples. Par exemple: "Qu'est-ce que le Pentagone?".
Comme vulgarisateur, j'adore ça!"
Louis Balthazar participait, le jeudi 27 novembre au pavillon
La Laurentienne, à une table ronde dans le cadre d'une
demi-journée d'activités visant à souligner
les 20 ans de l'Université du troisième âge
de Québec. Chapeautée par la Direction générale
de la formation continue de l'Université Laval, l'UTAQ
accueille quelque 3 000 adultes de 50 ans et plus chaque session.
Une centaine de cours, d'entretiens, d'ateliers et de petits-déjeuners
culturels sont offerts par des enseignants chevronnés
provenant de Laval et de différents cégeps. Aucun
préalable scolaire n'est exigé et il n'y a ni devoir,
ni examen à faire. La clientèle est majoritairement
féminine, âgée en moyenne de 60 ans et détentrice
à 80 % d'un diplôme universitaire.
Créer après 50 ans
L'artiste Claire Lamarre enseigne la peinture et les techniques
mixtes à l'UTAQ. Ludmila Bovet, elle, donne des cours
d'écriture. L'une et l'autre ont vu des débutants
développer, avec le temps, une véritable passion.
"Plusieurs sont devenus des artistes très autonomes,
explique Claire Lamarre. Leur démarche est pour eux un
nouvel engagement, un accomplissement, et non une simple activité
socioculturelle." En une dizaine d'années, Ludmila
Bovet a vu une quinzaine d'étudiants de son atelier "J'écris
mes mémoires" être publiés, la plupart
à compte d'auteur. "Après quelques semaines,
les gens s'aperçoivent qu'ils aiment écrire et
qu'ils ne peuvent plus s'en passer, souligne-t-elle. On me dit:
"Grâce à vous, j'ai pu enfin réaliser
mon rêve"."
Une énorme gratitude
Louis-André Richard enseigne la philosophie au Cégep
de Sainte-Foy. Depuis plusieurs années, il fait connaître
la pensée de nombreux philosophes, dont saint Augustin,
Machiavel et Descartes, aux 50 ans et plus. "Mes étudiants
sont hantés par trois questions fondamentales qui tournent
autour de l'idéal socratique du "Connais-toi toi-même"
et qui deviennent urgentes quand on avance en âge, explique
Louis-André Richard. Ces questions sont: Qui suis-je?
D'où viens-je? et Où vais-je? Ils s'inscrivent
aux cours pas tellement pour l'auteur lui-même, mais plutôt
pour réfléchir à des réponses possibles
à ces questions." Selon lui, l'Université
du troisième âge permet un espace de gratuité
extraordinaire. Et la gratitude est énorme. Le jour précédant
la table ronde, à la fin d'un cours qu'il donnait sur
Jean-Paul Sartre, Louis-André Richard a reçu un
violon d'un étudiant, un médecin retraité
devenu luthier. "Monsieur, lui a-t-il dit, vous m'avez appris
à penser par moi-même."
YVON LAROSE
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