
Vacciner au poisson?
Les oméga-3 contenus dans le poisson
"immuniseraient" contre les maladies cardiovasculaires
Nos grands-mères l'ont dit à nos mères qui
nous l'ont répété quand, à notre
tour, nous faisions la moue devant notre assiette: le poisson
est bon pour la santé. Éric Dewailly, Carole Blanchet,
Suzanne Gingras et Simone Lemieux des facultés de médecine
et des sciences de l'agriculture et de l'alimentation, et leur
collègue de l'University of Guelph, Bruce John Holub,
nous le répètent à leur façon dans
un récent numéro de la revue scientifique Lipids,
appuyant leurs dires sur des solides données, plutôt
que sur une menace de privation de dessert.
Dans cet article qui reprend les données d'études
qu'ils ont menées chez trois groupes ethniques du Québec
- les Québécois du Sud de la province, les Cris
de la Baie James et les Inuits du Nunavik -, les chercheurs établissent
clairement le lien entre la consommation d'acides gras oméga-3
provenant du poisson et les facteurs de risques de maladies cardiovasculaires
dans les trois populations. "C'est l'étude de population
que doivent lire ceux qui doutent du lien entre les oméga-3
et la santé", résume Éric Dewailly.
Leurs analyses des données de l'Enquête Santé
Québec de 1990-1992 révèlent que la consommation
quotidienne de poisson s'établit respectivement à
13, 60, et 131 g pour les Québécois, les Cris et
les Inuits. Elles montrent également que les Inuits sont
deux fois moins frappés par les maladies cardiovasculaires
que les autres Québécois, en dépit de leur
plus haut taux de tabagisme et de l'obésité galopante
qui touche près de la moitié de leur population.
Les chercheurs ont tiré profit de ces différences
marquées pour comparer la concentration sanguine de deux
acides gras oméga-3 dans un échantillon représentatif
des trois populations. Ces deux composés, l'EPA (acide
eicosapentanoique) et le DHA (acide docosahexanoique), abondent
dans les poissons et les mammifères marins. La concentration
de ces oméga-3 dans les phospholipides sanguins atteignait
8 % chez les Inuits, 4 % chez les Cris et à peine 2 %
chez les Québécois. De plus, les résultats
démontrent que la concentration des deux acides gras oméga-3
est directement reliée au taux de bon cholestérol
et inversement reliée au taux de triglycérides
(néfastes pour le coeur).
Les chercheurs soulignent donc l'immense potentiel des oméga-3
dans la lutte mondiale contre les maladies cardiovasculaires.
"Les acides gras de type oméga-3 constituent une
sorte de vaccin contre les maladies cardiaques, caricature Éric
Dewailly, mais ses effets sont éphémères
de sorte qu'il faut régulièrement renouveler la
dose." Il semble que deux repas de poisson par semaine suffiraient
à produire l'effet protecteur qu'on leur attribue.
JEAN HAMANN
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