
Les leçons de la cantatrice
Les Treize s'attaquent à deux grands classiques du
théâtre de l'absurde
Aux dires même de son auteur Eugène Ionesco, grand
prêtre du théâtre de l'absurde, La cantatrice
chauve se définit comme une anti-pièce. Cette
parodie des comédies de boulevard prend à rebrousse-poil
les conventions d'un genre très populaire dans les années
cinquante, qu'il s'agisse de la fameuse scène des retrouvailles
ou de potinages entre des couples amis. Cette pièce sans
héros et sans intrigue inaugurait un nouveau style théâtral
et jetait une lumière crue sur le vide se dissimulant
derrière les mots. La leçon, présentée
dans la même soirée, pousse encore plus loin cette
dénonciation de la fatuité humaine.
"Les deux pièces sont présentées ensemble
depuis 1957 au Théâtre de La Huchette à Paris,
raconte le metteur en scène Michel-Marc Nadeau. La
cantatrice chauve finissant sur une note amusante, les spectateurs
risquent d'avoir un choc en revenant de l'entracte pour assister
à La leçon!" Persuadé qu'une
ambiance réaliste accentue l'aspect totalement absurde
du texte, Michel-Marc Nadeau a choisi un décor assez bourgeois
et des costumes façon 1900 qui mettent en évidence
les conventions sociales. Dans La cantatrice chauve, les
Smith, un couple anglais très guindé, discutent
de tout et de rien, essentiellement de rien en fait, et c'est
surtout Mme Smith qui passe seule en revue tous les sujets de
son quotidien, des sujets qui vont de ses enfants aux huiles
vendues à l'épicerie. Puis les Martin, un couple
un peu plus moderne, symbolisant la montée de la bourgeoisie
issue de la révolution industrielle, viennent les rejoindre.
Bien entendu, même une fois réunis, tous ces personnages
s'efforcent de ne rien dire tout en parlant beaucoup. "Ionesco
a écrit ces deux pièces dans l'après-guerre
alors que toutes les certitudes s'étaient écroulées,
comme s'il voulait démontrer que les grands discours n'avaient
pu prévenir les horreurs de cette période",
explique Rouslan Kats, un des acteurs de la production. À
la fin de la pièce, les mots que prononcent les personnages
et leurs actions finissent par se dissocier totalement, ce qui
a poussé le metteur en scène à prendre des
libertés avec la pièce. "J'ai ajouté
une nouvelle scène de silence et de toussotements pour
montrer jusqu'où pouvait aller l'absurdité de ce
langage complètement vide", précise Michel-Marc
Nadeau.
Une leçon de mort
Dans La leçon, le spectateur assiste à
la déconstruction de l'individu par le langage. Un professeur
s'efforce d'aider une élève qui prépare
un examen de mathématiques, mais la leçon finira
très mal. Si la pièce précédente
tournait en ridicule les conventions du langage, celle-ci jette
une lumière crue sur les abus de pouvoir qui se dissimulent
parfois derrière les mots. "L'élève
est vraiment plus concrète que le professeur qui vit dans
ses idées, explique Geneviève Desnoyers qui incarne
la jeune fille. Au début, elle le déstabilise par
son côté charmeur." Cependant, la relation
maître-élève se transforme rapidement en
relation dominant-dominée. "La connaissance et le
savoir peuvent parfois devenir dangereux, constate Rouslan Kats
qui joue le rôle de l'enseignant. Je crois que Ionesco
a mis ses propres angoisses sur scène, en montrant que
la monstruosité fait partie de nous."
Les représentations ont lieu les 20, 21, 22 et 23 novembre,
à 20 h, à l'Amphithéâtre Hydro-Québec
du pavillon Alphonse-Desjardins. Les billets sont en prévente
au coût de 10 $, au Bureau des activités socioculturelles,
local 2344, pavillon Alphonse-Desjardins, et sur le réseau
Billetech (service et taxes en sus). À la porte, les soirs
de représentation, le coût d'entrée sera
de 12 $.Des forfaits souper-théâtre sont maintenant
disponibles le dimanche, au coût de 20 $ en prévente,
spectacle, taxes et service compris.
PASCALE GUÉRICOLAS
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