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La méthode Kangourou, qui consiste à porter un enfant prématuré sur le ventre 24 heures sur 24, peau contre peau, plutôt que de le laisser à l'hôpital dans une couveuse, aurait des effets bénéfiques mesurables sur le développement intellectuel de l'enfant. Réjean Tessier et Line Nadeau, de l'École de psychologie, et six chercheurs colombiens, en apportent la preuve dans le dernier numéro de la revue scientifique Infant Behavior & Development. Cette équipe a étudié 336 enfants, à la fois prématurés (né après 33 semaines de grossesse en moyenne) et de petit poids (moyenne: 1 500 g), qui ont vu le jour dans un hôpital de Bogota en Colombie. |
Environ la moitié de ces nouveau-nés ont reçu
les soins habituellement dispensés lors de naissances
à risque, incluant un séjour prolongé dans
une couveuse. L'autre moitié, les enfants du groupe Kangourou,
ont également séjourné en couveuse, mais
ils en sont sortis pour être confiés aux soins de
leurs parents dès qu'ils ont pu se nourrir au sein. Une
fois à la maison, la mère, le père ou une
autre personne de la famille devait porter l'enfant sur son ventre
en permanence jusqu'à ce qu'il atteigne l'équivalent
de 37 ou 38 semaines de gestation. En moyenne, la phase Kangourou
durait deux semaines, estime Réjean Tessier.
À l'âge d'un an, les enfants ont été
soumis à une série de tests servant à mesurer
leur développement neurologique. Ces tests évaluent
les compétences sur le plan locomoteur, auditif et langagier,
la coordination visuo-motrice, la capacité à raisonner
et à entrer en relation avec les autres ainsi que les
performances à des tests de boîtes, de couvercles
et de cubes. En moyenne, les enfants du groupe Kangourou ont
obtenu un score quatre points plus élevé (101)
que ceux du groupe couveuse (97), une différence significative
du point de vue statistique, mais dont la portée clinique
est modeste, reconnaissent les chercheurs. La méthode
Kangourou permet tout de même de combler une partie de
l'écart avec la moyenne des bébés colombiens
(score: 107).
Par contre, soulignent les chercheurs, la différence entre
le groupe Kangourou et le groupe couveuse s'accentue chez les
grands prématurés. Ainsi, les chercheurs rapportent
un écart de 6,5 points en faveur du groupe Kangourou lorsque
la comparaison porte uniquement sur les enfants de chaque groupe
dont l'état à la naissance a exigé des soins
intensifs. Par ailleurs, l'écart atteint 7 points en faveur
du groupe Kangourou lorsque les chercheurs limitent leurs analyses
aux enfants qui semblaient montrer des retards de développement
neurologique à l'âge de six mois. Enfin, lorsque
les chercheurs ne considèrent que les enfants qui répondent
aux deux conditions précédentes simultanément,
l'écart grimpe à près de 13 points. "Un
écart de plus de 10 points est considéré
comme important et significatif sur le plan clinique", signale
Réjean Tessier.
Selon les chercheurs, la méthode Kangourou procurerait
une stimulation sensorielle positive pendant une période
cruciale du développement neurologique de l'enfant. "Nos
résultats démontrent également l'importance
d'une intervention précoce auprès des nouveau-nés
les plus vulnérables et les plus fragiles." Les études
antérieures menées par cette équipe avaient
révélé que la méthode Kangourou favorisait
également la croissance du nouveau-né, le sentiment
de compétence de la mère et le développement
du lien mère-enfant.
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