Papa et maman à l'université
Les étudiants sont de plus en plus nombreux
à élever une famille tout en poursuivant leur formation
C'est l'été. Mélanie et Mathieu partent
ensemble à l'usine de traitement d'eau potable de Québec
récupérer les échantillons d'eau dont l'étudiante
en génie civil se sert quotidiennement pour sa recherche
de maîtrise. Une ballade en amoureux? Vous n'y êtes
pas vraiment car, en juillet, Mathieu n'avait que trois mois. D'autres
détails croustillants sur la vie de cette jeune fille
de 25 ans qui étudie sous la direction de Manuel Rodriguez,
professeur au département d'aménagement? Après
avoir mesuré le taux de coliformes dans ses bouteilles
d'eau, Mélanie Bouchard se transformait en taxi pour aller
chercher ses deux plus vieux, âgés de deux et cinq
ans à leur garderie en milieu familial. Ouf!
Manifestement, l'étudiante au deuxième cycle se
sent comme un poisson dans l'eau face à la fameuse question
de la conciliation études-famille. Son fils Philippe a
vu le jour juste avant qu'elle ne commence son baccalauréat
en microbiologie, et ses études ont toujours fait bon
ménage avec sa profession de mère, d'autant plus
que son conjoint vient tout juste de terminer sa maîtrise
en économique. "Jean et moi voulions des enfants
pendant que nous sommes jeunes et en bonne santé, explique-t-elle
tranquillement. En plus, le fait d'être étudiante
permet d'avoir des horaires plus flexibles que quelqu'un qui
travaille." Même si la famille ne roule pas sur l'or,
Mélanie affirme que les enfants n'ont jamais manqué
de rien, les parents des deux étudiants les épaulant
lorsqu'un siège d'auto ou une chaise haute faisait défaut.
Interrogée sur la recette infaillible pour réussir
à conjuguer efficacement ses multiples tâches, la
jeune fille parle surtout de la nécessité de bien
s'organiser. De 8 h à 16 h, elle se consacre à
ses recherches, et le reste de la journée à ses
enfants. Dès qu'ils dorment par contre, elle replonge
la tête dans ses livres si elle doit préparer un
examen. "Avec mon conjoint, nous avons toujours étudié
plusieurs jours avant l'échéance au cas où
un des petits ne tombe malade", précise l'étudiante.
Très heureuse de sa vie de famille, Mélanie affirme
que les activités sociales des jeunes de son âge
ne lui manquent pas, elle qui adore s'amuser avec ses petits.
Cependant, le plus difficile c'est peut-être d'affronter
les remarques acerbes de passants qui s'indignent, en les voyant
entourés de leurs bambins, que de jeunes parents "gâchent"
ainsi leur vie.
Tendance lourde?
Ces adeptes du préjugé auraient peut-être
intérêt à changer de cheval de bataille,
car les statistiques prouvent que de nombreux étudiants
élèvent désormais une famille tout en poursuivant
leurs études. Dans une analyse publiée en décembre
1997 à partir d'un échantillon de 539 répondants
des deuxième et troisième cycles, l'Association
des étudiants de Laval inscrits aux études supérieures
(AELIÉS) notait que 25 % des étudiants avaient
au moins un enfant à charge. Des chiffres à peu
près similaires à ceux tirés d'une étude
du Conseil national des cycles supérieurs, une composante
de la Fédération universitaire du Québec
(FEUQ), en 2001. De son côté, dans une étude
tout juste disponible, le Ministère de l'éducation
précise que 12,5 % des étudiants bénéficiant
de l'aide financière du gouvernement, tous cycles d'études
confondus, ont des enfants. Les parents-étudiants ont
d'ailleurs un peu plus tendance que les autres à interrompre
leurs études, et ils travaillent un peu moins à
l'extérieur.
La réalité familiale devient donc une préoccupation
pour l'AELIÉS, qui constate par ailleurs, dans un autre
document, que les trois centres de la petite enfance sur le campus
ne comblent pas les besoins de parents étudiants désireux
de faire garder leur progéniture, puisque le temps d'attente
moyen y est de deux ans. L'association mise donc beaucoup sur
son projet de construction d'une soixantaine de logements pour
familles étudiantes sur le campus pour aider les parents,
puisqu'une aile du bâtiment serait consacrée à
un centre de la petite enfance et que des appartements de plus
grande taille que les chambres actuelles seraient disponibles.
"Il va y avoir de plus en plus d'étudiants qui auront
à concilier leurs études avec la vie de famille
dans un proche avenir, car la moyenne d'âge à la
maîtrise et au doctorat augmente et les gens n'attendent
plus après leurs études pour avoir des enfants",
fait remarquer Antoine Goutier, président de l'AELIÉS.
L'association espère que son projet de résidence
familiale sera discuté lors de la consultation menée
par la Commission d'aménagement de l'Université
Laval (voir article sur le sujet), et qu'il deviendra bientôt
une réalité.
PASCALE GUÉRICOLAS
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