Légiférer pour protéger un paysage?
"La révolution industrielle a produit le dieu
Vitesse et le dieu Loisir, et l'idée de paysage, lance
Luc Bureau, professeur retraité du Département
de géographie. On s'inquiète du paysage justement
lorsqu'on commence à le détruire." Comme les
bélugas ou les couguars, tel type de boisé ou quelques
sites particulièrement remarquables pourraient bientôt
se retrouver sur une liste formelle d'éléments
paysagers à protéger. Le 29 octobre dernier, des
géographes ont débattu, sous la houlette de Paul
Villeneuve, professeur au Département d'aménagement,
de la nécessité de l'adoption d'une politique québécoise
du paysage.
Visiblement préoccupés par la conservation des
paysages, les géographes ne partagent pas tous le même
avis sur les moyens à prendre pour atteindre ce but commun.
Plusieurs, à l'instar de Marie-Odile Trépanier,
professeure à l'Université de Montréal,
craignent qu'une définition trop stricte du paysage au
sein d'une législation n'enferme ce dernier dans un carcan.
Aujourd'hui, en effet, un paysage ne se limite pas à un
arbre au bord d'un champ, mais inclut aussi des notions culturelles
et sociales. De plus, comme l'a fait remarquer un autre géographe
la préservation du paysage peut parfois "nuire à
son authenticité si un règlement oblige, par exemple,
l'agriculteur à sortir ses vaches à telle heure".
De son côté, Guy Mercier, professeur au Département
de géographie, remarque que la protection du paysage s'avère
une "matière trop sensible pour avoir une loi sans
définitions précises."
S'ouvrir au paysage
Consciente que l'accélération des changements
technologiques conduit souvent au bouleversement des paysages,
Carole Jutras prêche pour sa part en faveur d'un éveil
des consciences. Responsable de l'aménagement et du développement
local au ministère des Affaires municipales, du sport
et du loisir, elle prône l'intégration de la notion
de paysage dans diverses lois, qu'il s'agisse d'environnement
ou de patrimoine. "Oui, d'accord, mais où trouver
de l'aide pour que les élus adoptent des plans de développement
immobilier qui respectent le caractère distinct d'un lac
intéressant les villégiateurs", s'interroge
un géographe employé par une MRC de la région
des Laurentides. La conclusion de la discussion revient peut-être
à Fernand Lévesque, de la Direction du patrimoine
au ministère de la Culture et des Communications qui déclarait
lors du débat: "On ne peut pas tout miser sur le
contrôle, ni seulement sur des outils comme les plans d'urbanisation,
ni encore sur l'animation autour du paysage. Il faut combiner
ces trois éléments pour bien le protéger."
Cette rencontre d'une journée avait lieu à l'initiative
de l'Association professionnelle des géographes du Québec,
en collaboration avec le Centre interuniversitaire d'études
sur les lettres, les arts et les traditions (CÉLAT), le
Centre de recherches en aménagement et développement
(CRAD) et le Département de géographie.
PASCALE GUÉRICOLAS
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