
Verte passion
L'étudiante-chercheure Patricia Désilets
effectue un stage au siège social de l'UICN
Les amateurs d'Elvis ont Graceland, les mordus de baseball
ont Cooperstown, les chasseurs de chevreuils ont Anticosti et
les écologistes qui s'intéressent à la conservation
de la nature ont Gland. Gland? Eh oui, Gland en Suisse, une petite
municipalité située sur le bord du lac Léman,
au pied du Jura, en face des Alpes, entre Genève et Lausanne.
Mais, ce n'est pas la beauté du décor qui attire
là-bas des écologistes du monde entier. Si l'imaginaire
vert se tourne vers cette petite ville de 10 000 habitants, c'est
qu'elle abrite le siège social de l'Union internationale
pour la conservation de la nature (UICN), l'organisme auquel
on doit la Stratégie mondiale de la conservation - la
bible du développement durable qui contient les commandements
à respecter pour sauver notre petite planète. Cette
multinationale de la conservation compte, parmi ses membres,
plus de 70 États, 100 organismes gouvernementaux et 750
organismes non gouvernementaux. Elle emploie plus de 1 000 personnes,
réparties dans 42 pays, dont 150 dans ses bureaux de Gland.
 |
C'est dans ce haut lieu du savoir et du faire écologiques
que travaille depuis juin l'étudiante-chercheure Patricia
Désilets, du Département de biologie. Grâce
au stage de six mois qu'elle effectue à l'UICN, cette
jeune femme a trouvé, sous un même toit, son Graceland,
son Cooperstown et son Anticosti.
Botaniste à 10 ans
D'aussi loin qu'elle se souvienne, Patricia Désilets
a toujours aimé les plantes. "Mon père possédait
une serre et une grande pépinière de sorte que,
très tôt, j'ai eu un contact avec le monde de la
botanique. À l'âge de 10 ans, j'ai fait mon premier
herbier", se souvient-elle. Cette passion la conduit naturellement
vers le programme de biologie à l'Université Laval
où, grâce au professeur Gilles Houle, elle décroche
un emploi d'été relié aux plantes menacées.
"Nous sommes allés aux Îles-de-la-Madeleine
pour étudier la biologie et l'abondance d'une espèce
jugée vulnérable au Québec, l'Aster du Saint-Laurent."
La graine de la conservation était semée.
Son bac terminé, la voilà à la maîtrise,
dans l'équipe de Gilles Houle, à récolter
et à traiter des tonnes d'information pour son mémoire
sur les aspects spatiaux de la diversité à l'échelle
du peuplement dans une érablière. "C'est très
théorique, sent-elle le besoin de préciser. Comme
j'avais envie de faire quelque chose de plus concret, j'ai également
suivi un cours sur la gestion des parcs, au Département
d'aménagement, où j'ai travaillé sur les
conflits en matière de conservation des espèces
menacées. Ça m'a vraiment donné la piqûre
pour la conservation."
Lorsqu'elle apprend, via le Service de placement de l'Université,
que le ministère des Relations internationales est à
la recherche d'une personne spécialisée en botanique
pour un travail de six mois à l'UICN, elle ne fait ni
une ni deux et se lance dans la course. "J'aime voyager
et je voulais vivre une expérience de travail au plan
international. J'ai toujours cru qu'après mes études,
je passerais d'un boulot à l'autre, gagnant peu à
peu de l'expérience et éventuellement, en fin de
carrière, j'aurais la chance de travailler au niveau international.
Lorsque j'ai appris que j'avais obtenu la bourse, c'était
inespéré. Mon rêve allait se réaliser."
"Top" 50
Depuis le 3 juin, Patricia Désilets habite un petit
studio dans le village de Coinsins, près de Gland. Chaque
jour, elle se rend en vélo au bureau chef de l'UICN où
d'autres chercheurs venus de partout dans le monde partagent
son quotidien. "Tout le monde est ici par choix et on travaille
très dur pour protéger l'environnement. Les gens
sont épanouis, ce qui crée une ambiance très
positive. Le travail se fait surtout en anglais, un peu en français
et, à l'occasion, en espagnol."
Son travail, dirigé par Wendy Strahm du Programme de sauvegarde
des espèces, consiste à participer à la
rédaction d'un livret sur les plantes méditerranéennes
qui doivent être protégées de façon
prioritaire. "Ce livret, qui vise à sensibiliser
le grand public à la conservation des espèces végétales
menacées, contient une description vulgarisée de
50 plantes. Je dois récolter de l'information sur chacune
d'elles, la synthétiser et la vulgariser pour écrire
les fiches descriptives."
Ses tâches "l'obligent" même à voyager.
"Je suis allée en Sicile pour rencontrer des collaborateurs
officiels et potentiels au Congrès des botanistes italiens.
Nous manquions d'information sur les espèces de Sardaigne
et de Sicile et il fallait rencontrer certains chercheurs en
personne. Ce fut une belle expérience, mais j'ai trouvé
frustrant d'être si près du volcan Etna et d'avoir
à travailler."
Dans quelques semaines, elle rentrera à Québec
pour reprendre la rédaction de son mémoire de maîtrise.
Le bilan de son stage suisse, lui, est déjà tout
écrit dans son esprit. "C'est une expérience
merveilleuse. J'ai beaucoup de responsabilités, je connais
mieux l'univers de la conservation en général -
les instruments légaux, les conventions, mais aussi ce
qu'il est possible de faire in situ -, j'ai appris sur
les communications et le processus nécessaire à
la publication d'un ouvrage à caractère scientifique."
Par-dessus tout, elle rapportera dans ses bagages le sentiment
d'avoir accompli quelque chose d'important et d'utile, quelque
chose qui fera une différence pour la suite du monde.
"J'aurai écrit un livret qui va aider à la
conservation des plantes menacées. C'est un projet-pilote
dont le concept pourra servir à protéger les plantes
d'autres régions du monde. Un jour, il y aura peut-être
un "top" 50 des plantes menacées du Québec,
qui sait?"
JEAN HAMANN
|