Un prophète juif
Selon Paul-Hubert Poirier, Jésus ne voulait pas fonder
une nouvelle religion, mais restaurer la religion de ses ancêtres
Jésus de Nazareth était un prophète
venu annoncer l'instauration par Dieu d'un monde meilleur pour
le peuple juif. Même si on le désigne depuis longtemps
comme le fondateur du christianisme, rien n'indique dans les
sources historiques que Jésus ait voulu mettre en place
une nouvelle religion qui serait sortie du judaïsme. Il
se voulait plutôt un restaurateur de la foi juive. Quant
à sa condamnation à mort, elle reposerait sur une
méprise. Les Romains ont cru que Jésus, déjà
en conflit grave avec les autorités religieuses, voulait
devenir roi du peuple juif alors que rien n'indique qu'il ait
visé un quelconque pouvoir politique. Enfin, la survie
du personnage et de son message a été assurée
par la constitution, très tôt, d'un mouvement communautaire
chrétien qui a pris avec le temps des dimensions planétaires.
Tels sont les faits saillants de la conférence prononcée
le mercredi 15 octobre par l'historien Paul-Hubert Poirier, professeur
à la Faculté de théologie et de sciences
religieuses. Son exposé s'intitulait: "Jésus
de Nazareth: mythe ou réalité?".
Un homme ordinaire
Les Évangiles canoniques nous apprennent que Jésus
est né en Palestine, à Bethléem ou bien
à Nazareth, en l'an 6 ou 7 avant notre ère. Son
activité publique commence en l'an 28 alors qu'il se fait
baptiser par le prophète Jean Baptiste. La durée
de sa vie publique varie d'un peu plus d'un an à au moins
trois ans. Sa mort, à l'âge de 36 ou 37 ans, survient
très probablement en l'an 30.
Jésus grandit entouré de ses parents, de frères
et de soeurs. Son milieu socio-économique est celui des
artisans et la langue d'usage est l'araméen. Au moment
d'entreprendre sa vie publique, il est laïc, célibataire
et très probablement alphabétisé. "Chez
les juifs du temps, explique Paul-Hubert Poirier, bien des indices
nous portent à croire qu'il y avait un accès minimal
à la lecture, même dans les couches moins nanties
parce que la pratique religieuse était fondée sur
le livre."
Une époque effervescente
Dans la Palestine du 1er siècle de notre ère,
la religion juive est une réalité bien vivante,
et non une institution sclérosée vidée de
sa substance comme le voudraient certains clichés tenaces.
Sur cette toile de fond agissent divers mouvements de renouveau
(Jean Baptiste), de protestation (esséniens, qumraniens)
ou d'insurrection (zélotes). Ces mouvements sont les reflets
d'une énorme espérance, elle-même réaction
aux déceptions vécues par le peuple juif depuis
son retour d'exil quelque cinq siècles plus tôt.
Cette espérance est celle d'une libération complète
et définitive des juifs accomplie par Dieu lui-même,
ou par un prophète ou messie choisi par Lui. "Jésus
a donc évolué dans une société juive
agitée par un bouillonnement nationaliste et par une espérance
eschatologique orientée vers la fin du monde présent
et l'avènement d'une ère nouvelle", indique
Paul-Hubert Poirier.
Jean Baptiste exerce une influence déterminante sur Jésus.
Tous deux prétendent être chargés par Dieu
de parler au peuple juif en Son nom. L'autorité que s'attribue
Jésus dans l'interprétation des Écritures
le place en conflit grave avec les prêtres dont il défie
l'autorité légitime. De plus il offense ses contemporains
avec une conception originale du renouveau d'Israël, une
conception axée sur la prédication du Royaume de
Dieu. Un symbole de cette prédication est l'accueil qu'il
fait des pécheurs.
"Après la mort de Jésus, la prédication
de son message a attiré des non-juifs, souligne Paul-Hubert
Poirier. Il s'est donc posé la question des conditions
de leur accueil. Une crise a suivi qui a amené des disciples
à former un autre mouvement. Un des facteurs qui ont joué
puissamment en ce sens est que peu à peu on était
venu à diviniser Jésus d'une manière qui
apparaissait inacceptable aux juifs, à le considérer
non seulement comme le messie mais aussi comme le fils de Dieu."
YVON LAROSE
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