Des gestionnaires trop conservateurs
Comment attirer et retenir du personnel très
qualifié dans la région? Selon Denis J. Garand,
la balle est dans le camp des entreprises.
La question du manque de personnel appréhendé
dans les régions de Québec et de Chaudière-Appalaches
d'ici quelques années inquiète grandement les décideurs.
Ministres, responsables du développement économique,
chercheurs - dont Denis J. Garand, professeur au Département
de management de l'Université Laval - ont débattu
de cette situation démographique préoccupante lors
d'un colloque organisé mardi dernier à l'École
nationale d'administration publique (ÉNAP). Cette rencontre
survenait quelques mois après la publication d'un rapport
alarmant, intitulé Le choc démographique, la
population de la communauté métropolitaine de Québec
à l'aube du 21e siècle. Ce document, auquel
ont collaboré Simon Langlois, professeur au Département
de sociologie et Paul Villeneuve, professeur au Département
de géographie, anticipe un ralentissement de la croissance
de la population d'ici une dizaine d'années et constate
la tendance des jeunes adultes à quitter la région
ainsi que le faible taux d'immigrants à venir s'y installer.
Denis J. Garand, auteur d'une étude récente sur
les difficultés d'attirer et de retenir du personnel très
qualifié dans la région, a profité du colloque
pour inciter les entreprises à évoluer. Selon lui,
le conservatisme des dirigeants explique en grande partie les
problèmes d'intégration au travail et de vie sociale
éprouvés par les employés venus d'autres
pays ou même d'autres régions canadiennes. Issus
souvent d'un milieu francophone très homogène,
les patrons ont tendance à ignorer les particularités
culturelles de leur personnel et manquent d'ouverture. Du coup,
nombre d'employés immigrants ou nés dans une autre
ville ne se sentent pas chez eux à Québec et décident
de repartir. Selon Denis J. Garand, les instances publiques doivent
absolument régler ce problème social en poussant
les entreprises à gérer les ressources humaines
d'une façon plus moderne.
L'ambiance qui règne dans l'équipe
et la qualité des communications au sein du milieu de
travail semblent plus importants que les atouts urbains ou naturels
Le bonheur au travail
Le chercheur a par ailleurs profité d'une rencontre
de presse organisée le 15 octobre dernier par Pôle
Québec Chaudière-Appalaches, un organisme qui se
consacre au développement économique des deux régions,
pour présenter un autre volet de son étude effectuée
auprès d'environ 500 employés et d'une centaine
de dirigeants. En interrogeant le personnel très qualifié
de ces entreprises situées dans les régions de
Québec et de Chaudière-Appalaches et uvrant aussi
bien dans le domaine manufacturier qu'industriel et technologique,
Denis J. Garand a fait un constat étonnant.
"Contrairement au préjugé populaire favorisant
les beautés de la région, la proximité de
la nature et la qualité de ses milieux urbains et ruraux,
l'étude révèle des facteurs d'attrait davantage
reliés à la tâche elle-même, à
l'emploi occupé, au prestige et au potentiel de l'entreprise",
précise Denis J. Garand. Autrement dit, le personnel qualifié
ne vit pas que de pentes enneigées et de golf. Au travail,
ce type d'employé cherche à relever des défis,
à créer, à innover, à avoir des responsabilités.
Bien sûr, les conditions salariales et un environnement
social stimulant et propice aux familles comptent, mais l'ambiance
qui règne dans l'équipe, la qualité des
communications au sein de l'entreprise s'avèrent des éléments
encore plus importants aux yeux des personnes interrogées.
La recherche précise également que les caractéristiques
du personnel très qualifié ont évolué.
Aujourd'hui, on ne retrouve pas seulement dans cette catégorie
des détenteurs de maîtrise ou de doctorat. Les entreprises
doivent aussi recruter et conserver des professionnels de plus
en plus spécialisés, des cadres intermédiaires,
des techniciens de production innovateurs. Selon Denis J. Garand,
il faut absolument que les entreprises favorisent la croissance
professionnelle de ces employés en les intégrant
à la prise de décision et au processus d'innovation.
Si les dirigeants n'appliquent pas ce conseil, ils risquent fort
de voir leur personnel les quitter pour de meilleurs cieux.
PASCALE GUÉRICOLAS
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