Des banlieues à réaménager
Le Groupe interdisciplinaire de recherche sur
les banlieues a consulté des citoyens sur l'avenir de
leur milieu de vie
Des locataires en grand nombre, des immigrants plus nombreux
qu'au centre-ville, une majorité de couples propriétaires
sans enfant, des familles monoparentales aussi nombreuses qu'au
centre-ville, une pauvreté grandissante, la banlieue de
Québec, du moins celle de la première couronne,
a décidément beaucoup changé. Ces constats
sont tirés de deux enquêtes très récentes
menées par le Groupe interdisciplinaire de recherche sur
les banlieues (GIRBa). Le GIRBa est un groupe de recherche affilié
au CRAD, le Centre de recherche en aménagement et développement.
Il rassemble des chercheurs issus de l'École d'architecture
et des Départements d'aménagement et de sociologie
ainsi que de champs connexes s'intéressant aux problématiques
des relations personne-milieu dans les banlieues vieillissantes
de la région de Québec.
Une enquête Internet a rejoint près de 200 résidants
dont la grande majorité vivent dans les arrondissements
de Sainte-Foy, Sillery, Les Rivières, Charlesbourg et
Beauport, formant ce qu'on appelle "la première couronne".
Quatre répondants sur cinq forment des couples et les
trois quarts sont propriétaires. Quelque 40 % identifient
la proximité des services comme raison principale de leur
lieu de résidence. La moitié des ménages
fonctionne avec une seule voiture. Seules trois personnes sur
dix prévoient déménager d'ici deux à
cinq ans. Le logis idéal est la maison unifamiliale pour
trois répondants sur quatre. Le quartier idéal,
pour la moitié des répondants, se situerait dans
la première couronne.
Une cinquantaine de locataires ont répondu à l'enquête
menée dans les secteurs des immeubles à six appartements
de type "walk-up" de Sainte-Foy et de Charlesbourg.
L'échantillon comprend entre autres 24 couples, dont 14
sans enfant. Un des profils observés consiste en de jeunes
couples de professionnels sans enfant vivant en logement en attendant
d'avoir une maison. Pour la plupart, il est très facile
ou assez facile de vivre sans automobile à cause de la
proximité des services et de l'autobus. Si elles le pouvaient,
quatre personnes sur cinq choisiraient de s'installer dans une
maison située dans la première couronne (23/50),
dans les nouveaux développements éloignés
(10/50) ou à la campagne (9/50).
Un vieillissement social et physique
Les banlieues de la première couronne se sont développées
dans les années 1950 et 1960. Aujourd'hui, la première
génération de propriétaires arrive à
l'âge de la retraite. Ils ont vieilli, ainsi que leur maison
et l'infrastructure des rues. D'abord résidentielles,
les banlieues sont en plus devenues des lieux de travail et de
consommation.
C'est dans ce contexte, et alors que la nouvelle Ville de Québec
produira un nouveau Plan directeur d'aménagement et de
développement à la fin de 2004, que se situent
les enquêtes du GIRBa. "Nous travaillons depuis cinq
ans sur la banlieue, rappelle Carole Després, professeure
à l'École d'architecture et directrice du GIRBa.
En 2002, nous avons entrepris un processus participatif et consultatif
avec plusieurs collaborateurs, notamment la Ville de Québec,
dans le but de définir les orientations en matière
d'aménagement des quartiers de la première couronne.
Il nous restait à obtenir des données des citoyens."
Pour Andrée Fortin, professeure au Département
de sociologie et chercheure au GIRBa, l'approche participative
est la seule façon de repenser l'aménagement des
quartiers de banlieue et ce, afin de ne pas répéter
certaines erreurs commises dans le passé à Québec.
"Il a fallu plusieurs années pour remettre le quartier
Saint-Roch sur ses rails, dit-elle. Si on ne tient pas compte
de ce que les résidants aiment ou souhaitent pour leur
quartier de banlieue, que ce soit une certaine proximité
des services, la tranquillité, la verdure ou des arbres
à maturité, ils vont finir par aller s'établir
à l'extérieur, toujours plus loin du centre-ville."
Selon Andrée Fortin, il y a urgence à agir, vu
la dégradation progressive des quartiers. Elle ajoute
que si l'on construit quelque part, on vide nécessairement
un autre endroit de ses résidants. "Et construire
toujours plus loin signifie toujours plus de pollution environnementale."
Pour sa part, Carole Després prône la densification.
"Ouvrir de nouvelles rues coûte très cher,
souligne-t-elle. Il faudrait plutôt construire dans les
rues existantes et rénover le parc de logements."
Des résultats de l'enquête Internet vont dans ce
sens. Les trois quarts des répondants accepteraient que
les maisons unifamiliales puissent se voir ajouter des logements
supplémentaires. Et 90 % permettraient la construction
de résidences pour aînés près de chez
eux.
YVON LAROSE
|