Impulsifs à risque
Quatre petites questions permettent d'identifier
les futurs drop-outs des thérapies pour joueurs pathologiques
À l'aide de quelques questions simples, seriez-vous
en mesure de départager qui, dans un groupe de joueurs
pathologiques, ira jusqu'au bout de sa thérapie et qui
décrochera en cours de route? Il y a fort à parier
que non. Des chercheurs de l'École de psychologie, Jean
Leblond et Robert Ladouceur, et leur collègue australien
Alex Blaszczynski pourraient, eux, y parvenir avec un taux appréciable
de succès, si on en juge par leur récent article
paru dans le British Journal of Clinical Psychology. En
effet, l'étude qu'ils ont menée auprès de
112 joueurs pathologiques montre que les décrocheurs ont
un dénominateur commun, révélé par
quelques questions bien simples: ce sont des impulsifs.
Les chercheurs ont soumis ce groupe de joueurs pathologiques
à une série de questionnaires avant qu'ils n'entreprennent
le "traitement Ladouceur". Cette thérapie -
cognitive et comportementale - consiste à corriger la
perception erronée du hasard entretenue par les joueurs
invétérés. Ceux-ci croient mordicus qu'en
flattant le hasard dans le sens du poil, ils peuvent orienter
l'issue du jeu. Le traitement Ladouceur vise à remplacer
des idées du genre "je suis dû pour gagner
parce que je viens de perdre dix fois d'affilée"
ou "après cinq "pile", un "face"
est dû pour sortir" par des notions plus réalistes
du hasard. Le traitement donne un taux de succès de 85
% ... mais encore faut-il le suivre jusqu'au bout. D'ailleurs,
une méta analyse de 120 études montre que la moitié
des joueurs pathologiques qui entreprennent une thérapie
ne la complètent pas, notent les trois chercheurs dans
leur article.
Dans leur propre recherche, les chercheurs n'ont découvert
aucune différence entre les 43 participants qui ont abandonné
et les 69 autres au chapitre du sexe, de l'âge, de l'éducation,
du travail, du revenu, de la situation familiale, de la motivation
au jeu, de l'anxiété, de la dépression ou
de la consommation d'alcool. Par contre, les drop-outs
avaient un score d'impulsivité plus élevé,
révélé essentiellement par quatre questions
(Aimez-vous planifier soigneusement les choses à l'avance?
Aimez-vous prendre des risques? Quitteriez-vous votre emploi
actuel avant d'en avoir trouvé un autre? Pouvez-vous exprimer
rapidement vos idées en mots?).
Les réponses à ces questions permettent d'identifier
à l'avance près de 80 % des participants qui vont
abandonner la thérapie en cours de route, signalent les
chercheurs. Les thérapeutes devraient donc considérer
les joueurs pathologiques impulsifs comme des candidats à
haut risque d'abandon et, conséquemment, accorder une
attention spéciale à leurs progrès et leur
proposer des interventions additionnelles pour les motiver, ajoutent-ils.
"Les thérapeutes devraient même avertir leurs
patients impulsifs, dès le début du traitement,
qu'ils courent plus de risques que les autres d'abandonner",
suggère Robert Ladouceur.
JEAN HAMANN
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