La clef, c'est le prof
Une étude souligne l'importance de l'implication
des enseignants pour contrer le décrochage des garçons
au collégial
Des chercheurs de l'Université Laval, un chercheur
de l'UQAM et le Cégep Limoilou ont uni leurs efforts pour
s'attaquer aux racines du décrochage scolaire en menant
une étude recherche-action s'intéressant à
près de 250 élèves. Une fois les raisons
de l'abandon des cours cernées, il s'agissait de proposer
à l'équipe d'enseignants responsables de ces élèves,
inscrits en technique de l'informatique et en technologies du
génie électrique, très majoritairement des
garçons, une série de mesures visant à contrer
l'échec scolaire.
Lors de rencontres préliminaires, les jeunes ont expliqué
qu'ils trouvaient le premier trimestre au Cégep très
difficile car ils doivent s'adapter à de très nombreux
changements, aussi bien dans leurs cours que dans leur vie puisque
c'est souvent la première fois qu'ils vivent seuls. Les
chercheurs ont constaté par ailleurs que les garçons
répugnent à demander de l'aide et que des enseignants
ont tendance à ne pas fonder de grands espoirs sur leurs
élèves mâles, jugés paresseux et "plus
intéressés aux chars qu'aux études".
En collaboration avec des professionnels du Cégep Limoilou,
Gilles Tremblay, professeur à l'École de service
social de l'Université Laval, qui a conçu en bonne
partie la recherche action, ainsi que Simon Larose, de la Faculté
des sciences de l'éducation, ont donc proposé quatre
mesures pour changer les choses. La première portait sur
la formation de groupes de soutien en classe, dès le début
de la session. À huit reprises, l'enseignant discutait
durant une heure avec ses élèves de leur arrivée
au Cégep en leur présentant les différents
services offerts et en soulevant leurs possibles difficultés
d'adaptation. Ces échanges ont permis aux jeunes de s'aider
mutuellement et d'utiliser sans honte les ressources disponibles
sur place, qu'il s'agisse d'aide psychologique, d'orientation,
ou d'organisation du travail, alors qu'ils ont plutôt tendance
à les bouder.
Des tête-à-tête fructueux
Les chercheurs ont ensuite instauré un tutorat professeur-élève.
Formés en relation d'aide, les professeurs ont appris
à écouter, à questionner, à référer
les élèves, et surtout à mieux les comprendre
lors de cinq rencontres trimestrielles individuelles. Lors de
ces rencontres, les jeunes discutaient aussi bien de leur progression
scolaire, que de leur rupture avec leur blonde, de leurs difficultés
économiques ou des conflits avec leurs parents. "Souvent
les jeunes se sentent isolés sans adulte de confiance
à qui se référer, souligne Gilles Tremplay.
Une des plus grandes leçons que nous tirons de l'étude,
c'est l'importance des profs pour les jeunes, de leur regard,
de leur attitude. Il faut que les élèves sentent
qu'ils comptent pour eux."
La dernière mesure, mais non la moindre, portait sur le
partenariat. La direction du Cégep a investi dans ce projet
en y associant plusieurs professionnels du collège, mais
également quelques ressources externes comme l'association
l'AutonHommie. De plus, l'établissement a entrepris une
vaste opération de communication interne pour mettre au
premier plan la réussite scolaire des garçons notamment
par des affiches, des articles dans les journaux ou des promotions
à la radio du Cégep.
Manifestement, tous ces efforts commencent à porter fruits
puisque les chercheurs ont observé une nette réduction
du décrochage chez élèves qui avaient suivi
les mesures, tant en informatique qu'en technologies du génie
électrique. Mieux encore, les notes des élèves
soutenus s'améliorent nettement par rapport à celles
des jeunes du même programme non encadrés. Très
satisfaits de ces premiers résultats, les responsables
de la recherche entendent les diffuser le plus largement possible.
Déjà, plusieurs cégeps reçoivent
Gilles Tremblay et ses collègues du Cégep Limoilou
pour en savoir davantage sur les outils mis en place. Par ailleurs,
une campagne d'affichage portant sur la réussite scolaire
des garçons pourrait suivre éventuellement dans
plusieurs établissements du Québec.
PASCALE GUÉRICOLAS
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