Trois remèdes pour la médecine virtuelle
Des technologies médicales novatrices tardent encore
à se rencontrer dans le monde réel
Dans un monde virtuel idéal, un médecin de Québec,
assis devant son poste de travail, pourrait examiner une échographie
abdominale d'un patient installé dans une salle d'examen
de l'hôpital de Havre Saint-Pierre et vérifier simultanément,
dans le dossier patient partagé de son client, si ce dernier
a déjà subi une appendicectomie. Impensable? Pas
vraiment puisque les technologies qui permettent de poser l'un
ou l'autre de ces gestes médicaux existent. Par contre,
un scénario qui fait appel simultanément aux deux
technologies relève présentement de la science-fiction.
La raison? "Les univers de la télésanté
et du dossier patient partagé ne se parlent pas",
a constaté Jean-Paul Fortin, du Département de
médecine sociale et préventive, lors du 4e Symposium
sur la télésanté, qui avait lieu à
Québec les 18 et 19 septembre.
Le chercheur de la Faculté de médecine connaît
bien ces deux univers. Il a été lié de près
au projet de carte santé informatisée - une carte
à microprocesseur renfermant le dossier médical
de son détenteur - qui a été testée
à Rimouski dans les années 1990. Cette carte constitue
l'une des formes que peut prendre le dossier patient partagé,
un outil qui permet à différents professionnels
de la santé de consulter le dossier d'un patient à
partir de leur poste de travail. Aujourd'hui, le professeur Fortin
mène des recherches sur la télésanté
- un concept fourre-tout qui couvre aussi bien le recours à
Internet pour la formation ou le partage de connaissances que
pour le télédiagnostic. Il est donc bien placé
pour expliquer pourquoi ces deux technologies évoluent
en parallèle sans se rencontrer, alors que patients comme
médecins tireraient profit de la convergence de ces deux
bonnes idées.
Briser l'isolement
Son diagnostic? "Chaque innovation a été
créée pour répondre à un problème
précis, sans tenir compte des besoins des autres professionnels
de la santé, résume le chercheur. On règle
uniquement le problème de celui qui pose la question.
Lorsqu'un ingénieur travaille sur un projet de télédiagnostic
par échographie cardiaque, il ne se préoccupe pas
du dossier patient partagé."
Pour briser cet isolement, Jean-Paul Fortin propose trois remèdes.
Le premier se prend en douceur. "Il faut aborder le problème
en fonction des besoins du patient d'abord, puis des professionnels,
et enfin développer l'ensemble en fonction de l'un et
de l'autre", suggère-t-il. Le deuxième comprimé,
plus amer, consiste à identifier les personnes capables
de gérer les deux aspects et à les encourager fortement
à tenir compte des deux univers. Enfin, le remède
de cheval: il faut que les organismes qui financent les projets
de nouvelles technologies de l'information appliquées
au domaine de la santé mettent leurs billes dans des projets
qui intègrent les deux univers.
Selon Jean-Paul Fortin, le programme Inforoute santé du
Canada, dans lequel le gouvernement fédéral investit
1,1 milliard de dollars, est en bonne position pour exiger que
les projets qui lui sont soumis donnent l'exemple en mariant
télésanté et dossier patient partagé.
JEAN HAMANN
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