Au-delà du réel
Les regards photographiques de Patrick Jan Van Hove et de
Julien Mardomingo présentés à la salle d'exposition
du pavillon Alphonse-Desjardins
Même si, à première vue, les oeuvres des
deux photographes qui s'affichent jusqu'au 17 octobre dans la
salle d'exposition du pavillon Alphonse-Desjardins ont peu de
points en commun, chacune, à sa façon, interroge
le visiteur sur sa vision de la réalité. Avec ses
travaux regroupés sur le thème "Photographie
picturale", Julien Mardomingo capte en effet dans son objectif
des morceaux de paysage qui ainsi morcelés deviennent
des figures abstraites. Avec "Corps et âmes",
Patrick Jan Van Hove, étudiant au doctorat en biologie,
s'intéresse pour sa part aux corps et aux regards des
femmes, en tentant de fixer leur personnalité sur papier.
Une partie du jeu dans son cas consiste à comprendre ce
que la réalité corporelle signifie exactement pour
l'artiste.
En effet, le photographe de 26 ans qui utilise les nouvelles
technologies de l'image depuis un an pour ses prises de vue insiste
sur le fait qu'il n'utilise "pas de truc de caméra,
pas de retouche, juste la vérité, juste des femmes,
tout simplement." Pourtant, cette volonté de capter
la réalité ne l'empêche pas de nous présenter
des clichés très esthétiques mettant en
valeur le magnifique corps nu d'une ballerine dont manifestement
tous les attributs ne lui ont pas été légués
par la nature.
Poussé par sa recherche de la beauté, l'artiste
gomme donc la frontière séparant un corps artificiel
d'un corps naturel, ce qui amène le visiteur à
se poser quelques questions sur l'essence même de la réalité
corporelle. Les portraits noir et blanc de Patrick Jan Van Hove,
captés avec du matériel photo traditionnel, consacrent
également la beauté des femmes. Opérant
lui-même en chambre noire, le photographe prend un soin
particulier à mettre en valeur le grain de la peau et
la profondeur de ses modèles féminins, jouant beaucoup
sur les regards et certaines parties du corps comme les mains
ou les nombrils.
À quelques pas de là, les taches multicolores de
Julien Mardomingo offrent une autre vision de la réalité.
Ce retraité de l'enseignement se passionne depuis quelques
années pour les paysages tronçonnés en s'inspirant
des jeux de couleurs et de lumières des grands maîtres
comme Vermeer, Fra Angelico, Giotto.
Profitant de ses voyages aux États-Unis, au Mexique, en
Espagne, le photographe recherche les moments de grâce
que la nature livre à qui sait les apprécier. "Il
existe dans le parc de Yellowstone, aux États-Unis, des
lagunes d'eau chaude où prolifèrent des bactéries
et des algues qui forment d'immenses taches de couleurs sans
cesse changeantes, raconte Julien Mardomingo. Certaines disparaissent
au bout de quelques minutes ou restent plusieurs jours."
Armé de ses objectifs, le photographe bat la campagne,
à la recherche de cette petite pellicule de glace déposée
sur la verte mousse ou du reflet d'un nuage dans l'eau brumeuse
d'un lac. Ainsi détaché du contexte qui l'entoure,
le paysage offre une plage de rêverie sans fins.
PASCALE GUÉRICOLAS
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