Sa joie demeure
Lytta Basset propose une lecture personnelle
et rafraîchissante de la Bible
"A-t-on le droit d'être heureux?" Tel était
le thème de la conférence prononcée samedi
dernier à la maison Jésus-Ouvrier de Québec
par l'écrivaine à succès franco-suisse Lytta
Basset. Dans le cours de son exposé, présenté
notamment par la Faculté de théologie et de sciences
religieuses, la philosophe et professeure de théologie
à l'Université de Lausanne, de surcroît pasteure
protestante, a convié son auditoire à réfléchir
sur ce qu'elle appelle "l'interdit du bonheur". "Je
m'étais aperçue, explique-t-elle, que beaucoup
de gens ne se ressentaient pas le droit d'être heureux,
parce qu'ils portent le malheur de quelqu'un depuis longtemps,
parce qu'il y a quelqu'un de très malheureux dans leur
entourage, ou parce que, comme disent certains, il n'est pas
possible de goûter la joie quand on voit le monde qui va
si mal. Or, je ne comprends pas que des chrétiens ne puissent
pas trouver la joie puisque le message de l'Évangile est
complètement orienté vers elle."
La conférencière a fait allusion aux textes de
l'apôtre Jean où il est question de la notion de
"joie parfaite". Notamment à cette phrase de
Jésus: "Je vous ai dit ces choses pour que ma joie
soit en vous et que votre joie soit parfaite." Elle a aussi
abordé la parabole dite du fils prodigue. Dans cette histoire
extrêmement universelle, sans référence à
Dieu ou à Jésus, trois personnes souffrent: le
père et ses deux fils. Le père fait un cheminement
vers la joie et invite ensuite ses fils à y entrer à
leur tour.
Une vie à la recherche de sens
Lytta Basset a cherché très jeune à
comprendre le sens de la vie. "J'ai été tellement
confrontée à l'absurde dans ma propre vie et ce,
depuis si longtemps, dit-elle. Je crois que j'ai fait de la philosophie
bien avant d'aller à l'école!" De son éducation
protestante, elle retient la très grande liberté
d'interprétation des textes bibliques, une liberté
qui colore aujourd'hui son approche particulière des Écritures.
Mais il y a plus. Cette intellectuelle à la fois théoricienne
et praticienne ne s'est jamais enfermée dans une conceptualité
qui l'aurait coupée des gens et d'elle-même. "Mon
être femme exige une compatibilité ou une non-contradiction
entre ma pensée et mon expérience, explique-t-elle.
Je ressens une exigence qu'il n'y ait pas un fossé infranchissable
entre ce que je dis et ce que je vis réellement. C'est
pour cela que je n'écrirai jamais de livre sur quelque
chose qui ne m'a pas travaillée aux entrailles."
Que l'on soit croyant ou non-croyant, et peu importe notre confession
religieuse, tous et toutes peuvent trouver leur compte dans la
lecture des livres de Lytta Basset. Ces essais sont très
fouillés sur le plan biblique et vont loin sur le plan
de la réflexion théologique et philosophique. Que
ce soit le pardon, la culpabilité, la joie, la colère
ou la souffrance, l'écrivaine aborde des problématiques
fondamentales qui sont les mêmes chez tous les humains.
Par exemple, le lien entre la peur et l'esprit de jugement. Ou
bien la colère interdite. Ainsi, dans Sainte colère.
Jacob, Job, Jésus (Bayard/Labor et Fides, 2002), Lytta
Basset soutient que la colère constitue un moment nécessaire
de la vie du croyant. Dans "Moi, je ne juge personne."
L'Évangile au-delà de la morale (Albin Michel/Labor
et Fides, 1998), elle analyse notre besoin compulsif de juger
l'autre. Dans Le pouvoir de pardonner (Albin Michel/Labor
et Fides, 1998) , elle avance que l'humain possède
en lui un tel pouvoir. "J'aborde les choses dans une perspective
existentielle, indique-t-elle. Au fond, les gens n'ont jamais
l'impression que c'est déconnecté de leur expérience."
YVON LAROSE
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