Heureux dans leur famille recomposée
La très grande majorité des 10 % de jeunes Québécois
vivant dans ce modèle familial n'ont pas de problèmes
de comportement
Les mythes ont la vie dure lorsqu'on parle de familles recomposées.
Bien des gens pensent que ce phénomène constitue
le modèle familial dominant et que la plupart des enfants
qui vivent dans ce cadre souffrent de graves problèmes.
Rien n'est plus faux, selon une étude menée par
une équipe du Centre de recherche sur l'adaptation des
jeunes et des familles à risque (JEFAR) de l'Université
Laval, à paraître dans la revue Les nouvelles
pratiques sociales, qui remet quelques pendules à
l'heure.
Marie-Christine Saint-Jacques, Sylvie Drapeau, Richard Cloutier
et Rachel Lépine constatent que la majorité des
enfants et des adolescents vivant avec un de leurs parents et
un beau-parent vont bien. L'étude portait sur 121 familles
recomposées volontaires comprenant un jeune âgé
entre 10 et 17 ans. Près de 80 % des jeunes interrogés
affirment ne pas avoir de sérieux problèmes de
comportement, qu'il s'agisse de souffrir de dépression,
d'anxiété ou de problème de délinquance.
La plupart se disent satisfaits de leurs relations avec leurs
parents ou leur beau parent, tout comme ces derniers lorsque
les chercheurs les interrogent. Mieux encore, rencontrés
à nouveau un an plus tard pour les fins de l'étude,
les jeunes ont moins de problèmes de comportement.
Les causes à cibler
Les chercheurs ont ensuite poussé l'investigation
un peu plus loin, en s'intéressant aux jeunes qui vivent
des problèmes de comportement au sein de leur nouvelle
famille, afin de cerner les causes du phénomène.
Fait intéressant, l'étude portait non seulement
sur les caractéristiques individuelles des enfants et
des adolescents, mais comprenait des variables comme l'âge
de l'enfant au moment de la séparation ainsi qu'à
l'arrivée du beau-parent, le mode de garde, la présence
de frères et surs, le nombre de changements dans la famille.
"Nous avons constaté que la qualité de communication
entre parent et enfant constitue la variable la plus importante,
indique Marie-Christine Saint-Jacques, professeure à l'École
de service social. Plus la relation est bonne entre les deux,
moins le jeune présente des problèmes de comportement."
La qualité de communication entre parent
et enfant constitue la variable la plus importante
Ce résultat a passablement étonné les
chercheurs car ils supposaient que la recherche mettrait davantage
l'accent sur les interrelations avec le beau-parent, souvent
considéré comme le trouble-fête dans l'imaginaire
populaire. En constatant l'importance de la qualité des
liens parent-enfant, les chercheurs ont également remarqué
que plus un parent souffrait d'un niveau élevé
de détresse psychologique, plus le jeune manifestait des
problèmes de comportement. Les enfants et les adolescents
qui ont tendance à se blâmer ou à s'inquiéter
face aux événements stressants, ce que les spécialistes
appellent les adeptes de la stratégie de coping, auraient
également tendance à davantage pâtir de la
situation.
Cette étude rétablit donc quelques faits sur une
réalité sociale encore relativement peu étudiée
puisque, après tout, la recomposition familiale demeure
un phénomène assez modeste qui ne touche que 10
% des jeunes Québécois. Dans ce contexte, les données
recueillies par l'équipe de recherche constituent un portrait
instantané pouvant contribuer à la composition
d'un profil plus global de ces familles nouveau genre dans les
années à venir.
PASCALE GUÉRICOLAS
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