LE COURRIER
La santé: une demande infinie face à une
gestion "finie"
L'auteur présente ici les enjeux sociaux et éthiques
qui seront débattus lors d'un symposium qui se tiendra
le mercredi 8 octobre, à 14 h, à la salle 3470
du pavillon Charles-De Koninck, et auquel participeront Gilles
Bibeau, professeur au Département d'anthropologie de l'
Université de Montréal, François Blais,
professeur au Département de science politique de l'Université
Laval, et Raymond Massé, professeur au Département
d'anthropologie de Université Laval.
L'entrée dans le 21e siècle se fait dans la
confusion. Le sanctuaire qu'est le corps se fissure de toutes
parts avec l'avancée des biotechnologies. Plus que jamais,
les découvertes technoscientifiques et le biopouvoir ont
comme finalités d'optimaliser la vie ici, de sélectionner
là, voire même d'imaginer, en les fabriquant, d'autres
formes de vie. Les valeurs faustiennes de santé, d'immortalité
et de jeunesse sont celles qui semblent présider aux soins
individuels dans des sociétés qui font face à
une rationalisation accélérée de leurs ressources.
Les dilemmes éthiques se posent et se poseront pour l'allocation
des ressources et des soins à des populations vieillissantes.
D'aucuns s'interrogent sur le tri économique à
opérer dès qu'il s'agit de situations dites limites
(en néonatalogie, en fécondation in vitro ou encore
dans l'implantation d'un cur mécanique à une personne
de 80 ans).
Nous pouvons opter pour la thèse que les soins de santé
sont un droit de chaque citoyen et la marque de sa dignité.
Nous pouvons aussi imaginer un débat public sur les choix
et prestations de services, l'universalité de traitement,
la réhumanisation des soins, la reddition des comptes
de tous les personnels du système de santé. Tout
cela est pensable et les différentes commissions qui s'y
sont penchées proposent diverses recommandations (Commissions
Clair, Kirby, Romanow). Les obstacles tiennent à ce que
Foucault ou encore L. Sfez ont remarqué : la demande de
soins est illimitée, le rêve de la santé
parfaite est notre manière de conjurer la souillure et
le danger (Douglas). Pourtant, malgré des dépenses
considérables, tout se passe comme si la gestion du système
de santé était au bord du gouffre : urgences embourbées,
patients vulnérables, révolte des personnels soignants,
désarroi des "ex-psychiatrisés".
Malgré le dévouement inouï des équipes
soignantes, la perception des patients est ambiguë face
à l'incertitude. Dans un tel contexte, comment réduire
les diagnostics superflus, redonner place et parole au monde,
à tous ceux qui vivent dans un lieu aussi "inhospitalier"
que l'hôpital? S'agit-il simplement de restructurer ici
et de surveiller là? Faut-il repenser l'idéal
de la santé lui-même et éviter les fantasmes
de perfection? Doit-on interroger la thérapeutocratie
comme système autopoétique? Face à ces
questions et à d'autres, on reconnaîtra l'importance
de la technoscience et la fragilité des médiations
langagières pourtant si cruciales mais on admettra aussi
l'émergence d'un droit des gouvernés et des soignés.
À ces apories, l'un des "essuie-misère"
classique est l'éthique. Or, celle-ci triomphe précisément
parce qu'il n'y a plus de morale commune. L'autisme moral qui
résulte du relativisme des opinions nous laisse orphelins
devant notre incomplétude et dépendants des experts.
L'absence d'une normativité partagée sinon de
significations négociées relance sans cesse le
débat éthique. Il est clair que ce débat
ne fait que commencer devant les crises du système de
soins et l'appel de la toute puissance biotechnique et biosociale
qui s'annonce. Les démiurges d'antan (euthanasie et eugénisme)
en auront pour leurs frais.
MIKHAËL ELBAZ
Directeur du Laboratoire de recherches anthropologiques
Au nom des "droits et libertés"
La capacité d'abstraction chez l'humain est fascinante:
nous pouvons nous coller le nez sur un petit détail et
perdre de vue l'immensité du paysage On peut respecter
la liberté des personnes de même sexe qui décident
de s'unir; mais essayer de donner à cette union le statut
de mariage (i.e. les proposer comme étant base de la famille
et de la société) c'est une tout autre histoire:
cela porte atteinte aux droits de la personne. Récemment,
au nom des "droits et libertés", une législation
du Québec a donné droit d'adoption aux couples
homosexuels, piétinant sur les droits des enfants à
avoir un milieu de vie propice au sain développement de
la personne: le tout a passé avec une blague dans les
journaux montrant un jeune qui ne sait pas qui appeler papa et
qui appeler maman... Que dirons-nous à ces enfants dans
trente ans?
Et si le bébé adopté par l'un de ces couples
homosexuels était la fragile victime du décès
soudain de son père et de sa mère dans un accident
de voiture Si c'était l'un de nos enfants, aurions-nous
la même opinion face à cette question? Aujourd'hui,
au nom des "droits et libertés", l'État
vise à imposer à la population une nouvelle définition
du mariage, fermant les yeux sur les conséquences à
moyen et long terme sur la structure de la famille et le développement
harmonieux des enfants: "Ô Liberté, que de
crimes on commet en ton nom!"
JULIO QUINTERO
Étudiant à la maîtrise
Département de génie électrique et génie
informatique
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