
S.O.S. Casques bleus
Selon Eli Barnavi, la solution au conflit israélo-palestinien
passe par une intervention de la communauté internationale
"Au stade où nous en sommes, eux et nous, Palestiniens
et Israéliens, nous ne sommes plus capables d'arriver
seuls à une solution. La confiance est brisée.
Il n'y a plus d'interlocuteurs palestiniens cohérents.
Cette société est atomisée, contrôlée
par une collection de milices. Et Israël est enfoncé
dans une conception du conflit qui est une impasse", affirme
Eli Barnavi, professeur au Département d'histoire de l'Occident
moderne à l'Université de Tel-Aviv. Selon ce dernier,
la solution passe aujourd'hui nécessairement par une certaine
intervention de la communauté internationale. "L'envoi
d'une force multinationale, à la suite d'une résolution
de l'ONU, pourrait remettre l'État palestinien sur ses
rails, explique-t-il. Mais il y aura encore beaucoup de souffrances
et de sang versé puisque les chances que cette solution
voit le jour sont faibles pour l'instant."
Invité par le Département d'histoire et le Cercle
interuniversitaire d'études sur le Proche-Orient, Eli
Barnavi a prononcé une conférence, le jeudi 18
septembre, devant une salle comble au pavillon Charles-De Koninck.
Cet intellectuel de gauche, auteur notamment de l'essai Israël
au 20e siècle paru chez Flammarion en 1988, a été
ambassadeur de son pays en France, de 1999 à 2002. "À
partir d'une situation très confuse, quels sont les avenirs
possibles pour Israël?, a-t-il demandé. Ils ne sont
pas tous heureux. Le sort d'Israël, je pense, se joue à
l'intérieur de trois cercles concentriques: Israël
lui-même, son environnement immédiat constitué
des Palestiniens et du Proche-Orient, et le monde, notamment
les États-Unis."
Deux conceptions du sionisme
Selon Eli Barnavi, l'avenir d'Israël dépend de
l'issue de l'affrontement idéologique entre deux conceptions
du sionisme. L'une, classique, laïque, émancipatrice,
animait les fondateurs d'Israël dans les années 1940.
L'autre, issue de la guerre des Six Jours (1967) et de la guerre
du Yom Kippour (1973), d'essence néo-sioniste messianique,
ne vise pas, contrairement à la première, la sauvegarde
des citoyens, mais bien celle de la terre d'Israël. "Cette
querelle du sionisme alimente aujourd'hui un énorme et
acerbe débat, poursuit-il. Le petit mouvement messianique
réussit à dicter l'agenda national du pays. Il
réussit à faire en sorte que tout le débat
tourne autour de leurs faits et gestes à cause d'un certain
essoufflement idéologique, d'une espèce de vide
politique dans lequel ces gens se sont engouffrés."
Sur ce petit territoire de 22 000 kilomètres carrés,
deux mouvements nationaux dissemblables, qui refusent de reconnaître
la légitimité de l'autre, se font la lutte pour
"un bout de terre imbibé de religieux où le
symbolique finit par l'emporter sur tout le reste". Pour
les juifs, le mur des Lamentations à Jérusalem
est le mur d'enceinte du temple de Salomon. Pour les arabes,
il s'agit du mur où le prophète Mahomet a attaché
sa jument avant de monter au ciel. Quant à l'environnement
arabe du Proche-Orient, Éli Barnavi le qualifie de désastreux,
incapable de sortir du sous-développement et travaillé
par l'intégrisme islamiste. Il dénonce le degré
d'enfermement de ces populations. "Dans un rapport récent
de l'ONU, une donnée m'a ébranlé, dit-il.
En douze siècles, le monde arabe et musulman a traduit
en arabe moins de livres étrangers qu'un pays comme l'Espagne
ne le fait aujourd'hui en un an."
YVON LAROSE
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