Les Inuits protégés du cancer de la
prostate
Cette immunité proviendrait de leur alimentation traditionnelle
à base de poissons et de mammifères marins
Les cancers de la prostate sont très rares chez les Inuits
et cette immunité proviendrait de leur alimentation riche
en sélénium et en acides gras de type oméga-3,
suggère une étude publiée dans le numéro
de septembre de la revue scientifique Cancer Epidemiology,
Biomarkers & Prevention. L'article, signé par
Éric Dewailly, de la Faculté de médecine
et par cinq chercheurs danois, montre non seulement que la mortalité
due au cancer de la prostate est quatre à cinq fois plus
faible chez les Inuits que dans les autres populations, mais
que les tumeurs latentes de la prostate le sont davantage. «En
Amérique du Nord et en Europe, entre 30 % et 40 % des
autopsies pratiquées sur des hommes révèlent
la présence de tumeurs latentes de la prostate, sans lien
avec le décès, explique Éric Dewailly. Dans
la population inuite que nous avons étudiée, nous
n'en avons trouvé aucune.»
Les chercheurs sont arrivés à ce constat en fouillant
les rapports d'autopsie de 61 Inuits du Groenland, décédés
de diverses causes, à un âge moyen de 58 ans. «L'échantillon
est petit, mais il est représentatif de la population
inuite du Groenland, estime Éric Dewailly. En raison de
la rareté des médecins, les autopsies ne sont pas
courantes dans l'Arctique.»
Par ailleurs, les chercheurs n'ont découvert qu'un seul
cas de tumeur maligne de la prostate dans les rapports d'autopsie
consultés. «Ce cas est d'ailleurs célèbre
dans le milieu médical groenlandais tellement cette maladie
est peu courante là-bas», souligne le chercheur.
Fait intéressant, cet homme de 73 ans avait une concentration
d'acides gras oméga-3 deux fois plus faible que les autres
sujets.
Sans exclure la possibilité qu'un effet génétique
puisse être en cause, Éric Dewailly croit que l'immunité
des Inuits provient principalement de leur alimentation traditionnelle
riche en sélénium et en acides gras de type oméga-3.
Les Inuits tirent leur sélénium de la peau du béluga,
du narval et du petit rorqual alors que le gras des poissons
et des mammifères marins leur assure un généreux
apport d'oméga-3.
«Des études cliniques viennent de démontrer
que ces composés ont un effet protecteur contre le cancer
de la prostate, signale Éric Dewailly. L'alimentation
traditionnelle inuite constitue en quelque sorte une démonstration
en situation réelle, sur le terrain, des bénéfices
de cette alimentation.»
JEAN HAMANN
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