
Entre douleur et couleur
La Galerie des arts visuels accueille les paysages
morphologiques de Tania Girard-Savoie
Les tableaux très colorés de Tania Girard-Savoie,
peints dans des teintes pleines de vie et de joie, exercent un
fort pouvoir d'attraction sur les visiteurs qui les découvrent
pour la première fois. Happés par la beauté
de l'oeuvre, ils ont souvent un geste de recul en découvrant
ensuite le texte qui l'accompagne. Sans fioritures, l'artiste
y explique qu'elle a utilisé les images de la tumeur cancéreuse
de son père, aujourd'hui décédé,
pour produire ses paysages morphologiques. "C'est le rapport
entre l'intérêt et la répulsion qui m'intéresse,
indique la jeune femme, autrement dit le travail sur l'apparence.
J'espère que mes tableaux vont aider les gens à
avoir une vision moins superficielle des choses." Photo Marc Robitaille
Titulaire d'une maîtrise en arts visuels de l'Université
Laval, Tania Girard-Savoie fait sa marque depuis quelques années
dans le milieu des arts. Elle a ainsi eu l'occasion de créer
en direct devant le public à l'occasion de la vingtième
édition du Symposium international d'art contemporain
de Baie Saint-Paul, et de présenter ses grands formats
dans le cadre du Festival de musique actuelle de Victoriaville
en mai dernier. La plupart des tableaux en place présentement
à la Galerie des arts visuels proviennent d'ailleurs de
cette exposition, mais leur disposition différente dans
l'espace leur donne un nouveau visage.
De la mort à la beauté
Passionnée par l'aspect multiple des images, l'artiste
travaille fréquemment à partir de sérigraphies
et d'impressions numériques. Elle imprime sur du papier
blanc la radiographie de la tumeur cancéreuse, avant de
la traiter en estampes ou en clichés numériques,
pour ensuite peindre sa reproduction sur une toile. "J'aime
ajouter de la couleur, gratter, utiliser le pinceau, les doigts,
car je trouve que la peinture par sa texture donne un effet plus
sensuel", explique Tania Girard-Savoie avec chaleur. À
travers les différentes étapes de la création,
ses images, constituées souvent à partir d'un même
cliché, subissent de très nombreuses transformations
qui finissent par les débarrasser de leur aspect morbide
initial. Peu à peu la tumeur, symbole de mort par excellence,
devient un élément de vie et de beauté.
Le montage des tableaux de la jeune femme donne par ailleurs
un véritable aspect de mosaïque à sa création.
Travaillant à partir de petits formats tous de mêmes
dimensions et dont les images se ressemblent souvent, elle s'inspire
du lieu d'exposition pour les agencer, et constituer ainsi de
nouvelles uvres. Visiblement inspirée par le sol blanc
de la Galerie des arts visuels, elle a ainsi décidé
d'installer une partie de ses tableaux par terre pour produire
un long chapelet d'images montant vers le mur. En circulant librement
à travers les uvres, le public choisit son propre itinéraire
artistique, entre douleur et couleur. L'exposition "Les
paysages morphologiques, la suite" se tient jusqu'au
19 octobre à la Galerie des arts visuels dans l'Édifice
La fabrique, 255 boulevard Charest Est.
PASCALE GUÉRICOLAS
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