
Du matsutake dans les forêts nordiques
La production naturelle de ce champignon prisé par
les Japonais reste à établir
Les forêts du Nord du Québec abritent une espèce
de champignon qui vaut son pesant d'or sur le marché japonais.
C'est ce qu'ont découvert une équipe de scientifiques
et de mycologues amateurs qui rentrent d'une expédition
menée en Jamésie sous l'égide du Centre
d'études nordiques (CEN) et du Centre de recherche en
biologie forestière (CRBF).
«L'expédition a permis de confirmer la présence
du matsutake dans les pinèdes à lichen de la localité
de Radisson», résume prudemment le directeur du
CEN, Yves Bégin. Question de freiner une intempestive
ruée vers le Nord, le chercheur précise du même
souffle que la répartition et l'abondance de ce champignon
ne sont pas encore documentées et qu'il est trop tôt
pour se prononcer sur le potentiel commercial de cette ressource.
Le matsutake américain - ou champignon des pins - peut
rapporter jusqu'à 20 $ du kilo au cueilleur et il suffit
de trois ou quatre champignons pour faire un kilo, signale le
professeur à la retraite J.-André Fortin. Ancien
directeur du CRBF, le professeur Fortin a été parmi
les premiers à croire au potentiel du Nord québécois
comme réservoir de matsutake. C'est d'ailleurs à
sa suggestion que les mycologues ont organisé cette expédition
nordique à la recherche de l'or blanc des sous-bois. "Les
milliers de kilomètres carrés de pinède
que j'ai survolés lors de mes voyages dans le Nord me
semblaient des milieux propices pour le matsutake", souligne-t-il.
Ce champignon apprécie les climats froids, il vit en symbiose
avec le pin gris et il semble rechercher les peuplements âgés,
autant de conditions réunies dans la pinède à
lichen du Nord québécois.
Les Japonais utilisent le champignon des pins pour relever le
goût du riz et des soupes et ils en importent en quantité
à la suite du déclin de leurs propres populations
de matsutake. Présentement, les exportations mondiales
de cette espèce vers le Japon se chiffrent en millions
de dollars annuellement. Le Canada, grâce aux provinces
de l'Ouest surtout, vient au deuxième rang des pays exportateurs,
juste derrière la Chine.
La présence de ce champignon ouvre la voie à une
exploitation originale des pinèdes du Nord québécois,
estime Yves Bégin. Mais, pour ne pas surexploiter le matsutake,
il faudra d'abord mieux documenter son abondance et caractériser
les habitats où il vit, prévient-il. "La découverte
de cette espèce dans les pinèdes de Jamésie
et son éventuelle valorisation commerciale constituent
des arguments qui militent en faveur de la conservation de ces
très belles forêts", commente le directeur
du CEN. Le potentiel de récolte du matsutake dans le Nord
québécois sera l'un des sujets discutés
lors d'un colloque sur les champignons forestiers organisé
par André Fortin les 20 et 21 novembre à Québec.
Pour information: J.Andre.Fortin@videotron.ca ou 418 842-5955.
JEAN HAMANN
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