
Gourganes et tintamarre
Le Petit Larousse 2004 contient huit nouveaux
québécismes proposés par deux chercheurs
de Laval
Gourgane, poulamon, boyau d'arrosage, cartable, fève,
tintamarre, vidanges et vidangeur, telle est la contribution
bénévole de Claude Poirier et de Steve Canac-Marquis
à l'édition 2004 du Petit Larousse illustré
lancée il y a quelques semaines. Claude Poirier, professeur
au Département de langues, linguistique et traduction,
et expert du français québécois, est collaborateur
depuis trois ans du célèbre dictionnaire. Avec
son collègue, professionnel de recherche au Trésor
de la langue française au Québec, il avait fait
en tout 17 propositions pour le Petit Larousse 2004,
dont deux mots tirés du français acadien. "L'éditeur
n'a jamais refusé de propositions de ma part, explique
Claude Poirier. C'est que parfois l'espace manque pour les publier.
Un dictionnaire ajoute sans arrêt de nouveaux mots. Et
des mots qui ont moins d'intérêt ou qui ne vivent
plus doivent être enlevés. Les mots non publiés
sont conservés pour une édition ultérieure."
Des mots et des corrections
En plus de suggérer de nouveaux mots, les deux chercheurs
ont proposé de corriger quelques définitions existantes.
Sur neuf propositions de corrections faites cette année,
l'éditeur en a retenu quatre, dont celle du mot "sloche".
L'édition 2003 définissait la sloche comme un "mélange
de neige fondue". L'édition 2004 parle plutôt
de neige fondante, puisque la neige fondue serait en eau.
Le 2004 a conservé telle quelle la définition
proposée du mot acadien "tintamarre". Elle se
lit comme suit: "Défilé populaire dans les
rues, bruyant et festif, lors de la fête nationale des
Acadiens." Mais il n'en est pas toujours ainsi. L'éditeur
va parfois réécrire une définition, coupant
des mots et resserrant le texte pour n'en conserver que l'essentiel.
Selon Claude Poirier, c'est le droit de l'éditeur d'agir
ainsi, puisque c'est son dictionnaire.
En 2005, le Petit Larousse aura cent ans. Le vénérable
ouvrage de référence fera l'objet d'une refonte
majeure. Et les chercheurs de Laval comptent bien en profiter.
"Nous avons suggéré 200 propositions de plus,
indique Claude Poirier. Le corpus de québécismes
et néologismes acadiens compterait alors près de
475 mots. Ce sera mieux qu'en ce moment, mais bien en deçà
du noyau dur des québécismes qui se situe, selon
moi, entre 3 000 et 5 000 mots minimum."
Une polémique
Les deux chercheurs de Laval préparent actuellement
un article pour la revue Québec français.
Ce texte se veut une réponse à la critique récente
de Marie-Éva de Villers, auteure du Multidictionnaire
de la langue française, sur cinq de leurs québécismes
introduits dans le Petit Larousse 2004. "Nous n'acceptons
pas sa critique à l'effet que ces mots constituent un
recul de trente ans, explique Claude Poirier. N'omettre aucun
mot consacré par l'usage, c'est ça le but d'un
dictionnaire. Et non de s'ériger en juge et de dire ce
qui est bon ou non." Le Petit Larousse contient le
mot chum, un terme que condamne l'auteure du Multi
parce qu'il s'agit d'un anglicisme. "Ça donne quoi?
demande Claude Poirier. Pensez-vous que ça va avoir un
effet quelconque? Je ne vois pas la fin de ce mot en raison de
toute la charge émotive qu'il véhicule. D'ailleurs,
je le trouve dans les éditoriaux du Devoir."
Les deux chercheurs estiment que le problème du Multidictionnaire
vient du fait que la question du vocabulaire se trouve intégrée
à un manuel de correction grammaticale, orthographique
et typographique.
YVON LAROSE
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