Le loup dans l'homme
La nature nous a dotés d'un arsenal violent, mais nous
ne sommes pas forcés de l'utiliser, plaide J. Martin Ramirez,
un spécialiste de l'agression
Certains croient dur comme fer que l'agression et la violence
sont inscrites dans nos gènes. D'autres déchireraient
notre chemise sur la place publique pour nous convaincre
que ces comportements sont le pur produit de l'environnement.
Les plus conciliants empruntent la voie mitoyenne du 50-50. J.
Martin Ramirez, lui, a une vision assez personnelle de l'affaire.
"Le développement de l'agression dépend à
100 % de l'environnement... et à 100 % de l'hérédité",
a déclaré le professeur de l'Université
Complutense de Madrid, lors d'une conférence prononcée
le 10 septembre sur le campus.
Vous l'aurez deviné, l'homme n'est pas mathématicien.
Par contre, il est médecin, spécialiste du système
nerveux et expert en comportements humains. De plus, son nom
figure parmi les 20 sommités mondiales de l'étude
de l'agression qui ont signé, le 16 mai 1986, la Déclaration
de Séville sur la violence. Ce document, entériné
trois ans plus tard par l'Unesco, rivait quelques clous dans
le cercueil du populaire argumentaire de l'époque qui
justifiait le recours aux guerres en raison du caractère
inné de la violence et de l'agressivité chez l'homme.
"La même espèce qui a inventé
la guerre est capable d'inventer la paix."
Dans ce document historique, J. Martin Ramirez et ses collègues
clamaient haut et fort que nous n'avons pas hérité
d'une nature guerrière des animaux dont nous descendons,
que la guerre ou les autres comportements violents ne sont pas
génétiquement inscrits dans la nature humaine,
que la sélection naturelle n'a pas favorisé la
survie des individus violents, que les humains n'ont pas un "cerveau
violent", que la guerre n'est pas le résultat de
notre instinct et que la biologie ne condamne pas l'humanité
à la violence. "Nous avons la mécanique pour
être agressif, mais ce n'est pas un automatisme, il n'y
a rien dans notre neurophysiologie qui nous pousse à agir
de façon violente", a calmement rappelé le
professeur Ramirez à la trentaine de personnes venues
l'entendre.
Après avoir patiemment passé en revue les arguments
de toutes les écoles qui ont pris part au débat
nature-culture sur la violence depuis un siècle, le professeur
Ramirez a livré le fond de sa propre pensée. "Que
chacun ait la possibilité d'être agressif n'implique
pas qu'on doive l'être. Chacun de nous possède la
capacité de créer un monde pacifique qui ouvre
la porte à l'espoir."
D'ailleurs, la conclusion de la Déclaration de Séville
est claire à ce propos. "Tout comme les guerres naissent
dans l'esprit des hommes, la paix commence elle aussi dans notre
esprit. La même espèce qui a inventé la guerre
est capable d'inventer la paix. Cette responsabilité appartient
à chacun de nous."
JEAN HAMANN
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