Mêmes chiffres, mesures différentes
Le programme devant favoriser le recrutement de professeures
suscite la controverse
Le Programme d'accès à l'égalité
en emploi de l'Université tarde à livrer ses fruits,
juge le Syndicat des professeurs et professeures de l'Université
Laval (SPUL), après examen de l'évolution récente
de la présence des femmes au sein du corps professoral.
Bien que le Vice-rectorat aux ressources humaines reconnaisse
qu'il reste du chemin à faire pour accroître la
proportion de femmes parmi les professeurs, il conteste la lecture
des statistiques faite par le SPUL ainsi que le jugement que
porte le syndicat sur l'efficacité de ce programme.
Les chiffres parlent
Au cours des cinq dernières années, la proportion
de professeures est passée de 22,3 % à 26,7 % à
l'Université. "Cette hausse est davantage le résultat
d'une conjoncture démographique que de l'application du
Programme d'accès à l'égalité",
estime le SPUL. En effet, en termes absolus, il n'y a que 13
femmes de plus au sein du corps professoral. L'attrition des
postes de professeurs, résultant de la situation budgétaire
de l'Université, a provoqué la disparition de 184
postes du côté des professeurs masculins, qui sont
passés de 1041 à 857, gonflant du coup la présence
féminine dans l'ensemble du corps professoral.
"C'est vrai qu'il n'y a pas encore assez de femmes parmi
les professeures, mais j'ai de la difficulté à
conclure que c'est parce que le Programme d'accès ne fonctionne
pas", commente Claude Paradis, vice-recteur adjoint aux
Ressources humaines. Celui-ci s'étonne d'ailleurs que
le SPUL ait passé sous silence les statistiques se rapportant
au pourcentage de femmes dans les embauches effectuées
au cours des dernières années. "Les femmes
représentent près de 40 % des nouveaux professeurs
engagés depuis cinq ans, dit-il. Cette proportion correspond
au pourcentage de femmes parmi les diplômés au doctorat
à l'Université. Le taux d'embauche de professeures
équivaut donc, à peu de choses près, à
la proportion de femmes dans le bassin de compétences."
Résultats timides
Par ailleurs, le SPUL constate que la répartition
des professeures au sein des diverses facultés ne rompt
pas avec la tradition. Près de 40 % des professeures se
retrouvent dans quatre facultés: Aménagement, architecture
et arts visuels, Droit, Sciences de l'éducation et Lettres.
"Deux de ces facultés constituent des secteurs traditionnellement
féminins et les deux autres sont en mutation à
cet égard depuis plusieurs années", commentent
les auteurs du rapport. Les professeures tardent encore à
faire une entrée massive dans les facultés de Sciences
et de génie (14 %), de Théologie et de sciences
religieuses (16 %), de Foresterie et de géomatique (17
%) et de Médecine (18 %). "Bien que de timides changements
dans les stéréotypes semblent se manifester dans
ces résultats, on peut dire que, dans l'ensemble, aucune
révolution n'est en cours."
Le rapport du SPUL signale également que les femmes sont
plus âgées que les hommes au moment de l'embauche
et qu'elles mettent un peu plus de temps à atteindre le
rang de titulaire, ce qui a une incidence sur leurs conditions
de retraite. "Le Programme d'accès à l'égalité
est encore loin d'avoir eu les effets escomptés, estime
le SPUL. Si la direction de l'Université ne met pas en
oeuvre les moyens nécessaires pour appliquer ce programme
avec davantage de vigueur, il est à prévoir que
la place relative des femmes aura tendance à stagner,
voire à décroître lorsque l'actuelle prises
de retraite s'atténuera."
Valse à deux temps
L'objectif énoncé dans la convention collective
liant le SPUL et l'Université est d'en arriver à
avoir 50 % de femmes dans le corps professoral, réparties
à peu près également dans toutes les facultés.
"C'est un idéal, un objectif à long terme
qui exige du temps, plaide Claude Paradis. Il y a quelques décennies,
l'Université n'engageait pas beaucoup de professeures.
Aujourd'hui, l'embauche correspond au bassin de compétences.
Devrait-on favoriser le surengagement des femmes? Je ne sais
pas. Par contre, une chose m'apparaît certaine: il n'y
a pas de résistance systémique à l'embauche
des professeures à l'Université."
La présidente du SPUL, Esther Déom, aimerait voir
un peu d'action pour accélérer le tempo. "Par
exemple, les professeurs qui font partie des comités de
sélection pourraient recevoir une formation pour éviter
les biais sexistes. Ou encore, la vice-rectrice aux ressources
humaines pourrait refuser les dérogations au plan de redressement
des effectifs du corps professoral qui lui sont demandées
par les unités. Enfin, on pourrait élargir le bassin
de recrutement des professeurs, notamment en s'adressant à
des organismes où les femmes sont très présentes,
pour obtenir des suggestions de candidature féminine lors
de l'ouverture d'un poste."
JEAN HAMANN
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