
Indiana Jones au 21e siècle
Un outil géomatique en développement
à Laval vise à transformer la méthode de
travail de l'archéologue
Sur un chantier de fouilles, l'archéologue consacre
beaucoup de temps à remplir des fiches d'inventaire avec
les données recueillies sur le terrain. L'analyse de ces
informations, sur place ou plus tard en laboratoire, comporte
des risques d'erreurs du fait que les données colligées
ne sont pas nécessairement complètes ni rigoureusement
exactes. Tout cela pourrait cependant changer dans l'avenir grâce
à deux chercheurs de l'Université qui sont à
mettre au point un système d'information géographique
couplé à un outil de visualisation en trois dimensions.
Le mardi 26 août, Michel Fortin, professeur d'archéologie
au Département d'histoire et chercheur associé
au Centre de recherche en géomatique, ainsi qu'Alexandre
Brisebois, étudiant à la maîtrise en sciences
géomatiques, ont présenté leur projet de
recherche lors d'un atelier sur les applications de la géomatique
à l'archéologie tenu au pavillon Louis-Jacques-Casault.
D'une durée de trois ans, le projet est financé
par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada dans
le cadre du programme "Initiative de développement
de la recherche". Les autres chercheurs associés
à ce projet sont Yvan Bédard et Jacynthe Pouliot
(sciences géomatiques) ainsi que Marie-Christine Roy (systèmes
d'information). "Nous cherchons, explique Michel Fortin,
à mettre au point un système "intelligent"
qui permettrait de mieux comprendre ce que l'on trouve sur le
terrain grâce à une analyse au fur et à mesure,
et en temps réel, des données. Il pourrait même
aider à la prise de décision."
Une première
Pour la première fois, des chercheurs se penchent
sur l'informatisation, donc la standardisation, des procédures
de fouille et d'analyse. Selon Michel Fortin, cette procédure
informatisée permettra une meilleure qualité des
données qui seront plus exactes et plus complètes.
Elle permettra aussi d'effectuer davantage d'analyse durant la
fouille. "L'ordinateur, dit-il, ira chercher pour nous telle
et telle information, il effectuera en temps réel les
regroupements que nous faisons d'habitude en compilant informations,
plans, dessins et photos et il montrera à l'écran
le phénomène en train de naître." La
standardisation des procédures pourrait aussi permettre
l'ajustement de la stratégie de fouille sur le terrain.
Les deux chercheurs se servent d'une base de données développée
à l'Université de Chicago. Déjà en
opération, elle contient les informations tirées
des carnets, notes et fiches d'inventaire provenant de trois
chantiers de fouilles, maintenant terminés, et que Michel
Fortin et son équipe ont menés en Syrie entre 1986
et 2002. La documentation graphique, elle, est presque toute
numérisée (plans, dessins, photos).
Cette base de données ne permet cependant pas de représentations
graphiques en 3D. "L'outil développé par Alexandre
Brisebois est couplé à la base de données
et il permet, entre autres, de bien voir toutes les unités
stratigraphiques, indique Michel Fortin. Si je veux voir représentée
en trois dimensions, par exemple, une couche archéologique
de telle ou telle période, je la vois apparaître
à l'écran. Le système nous simplifiera énormément
la vie. Et il nous fera gagner du temps."
Travailler en temps réel
Alexandre Brisebois insiste, pour sa part, sur la dimension
"temps réel" du système. "Le système
de positionnement par satellite (GPS) et les ordinateurs portables
sur le terrain feront en sorte que la base de données
sera alimentée chaque jour, souligne-t-il. Le positionnement
sera exact, rapide, précis, complet."
Michel Fortin renchérit. "Vous êtes depuis
trois jours dans une couche stratigraphique où vous ne
trouvez plus de tessons de céramique de telle époque,
explique-t-il. Vous pouvez alors dire à vos fouilleurs
de cesser les fouilles à cet endroit en vous basant sur
des données sûres. En temps normal, l'archéologue
prend cette décision de façon intuitive."
Autre avantage: le système permettra de visualiser une
scène de fouilles. "Les archéologues sont
très forts dans la visualisation d'une reconstitution
d'un lieu, ajoute-t-il. Avec notre système, la visualisation
apparaîtra à l'écran. Et ce ne sera pas intuitif.
Ils auront des preuves indubitables qui pourront les aider à
prendre des décisions rapides." Le printemps prochain,
le système sera testé sur le terrain, en Syrie.
YVON LAROSE
|