
Aider trop, aider mal
Quand vient le temps de choisir une carrière, le
comportement des parents et amis peut conduire aux sentiers tortueux
de l'indécision
Lorsqu'un conseiller en orientation rencontre un étudiant
indécis face à son choix de carrière, il
doit prendre en considération une donnée importante:
il y a toujours beaucoup plus de personnes qu'il n'y paraît
dans leur tête-à-tête. En effet, les parents
et les amis de l'étudiant, même s'ils ne sont pas
physiquement présents dans la pièce, ont un gros
mot à dire dans l'indécision entourant le choix
de carrière. C'est ce que révèle une étude
publiée par Frédéric Guay, de la Faculté
des sciences de l'éducation, et par ses collègues
de l'École de psychologie, Caroline Senécal, Lysanne
Gauthier et Claude Fernet, dans un récent numéro
du Journal of Counseling Psychology.
L'analyse des réponses fournies par 834 cégépiens
à une série de questionnaires préparés
par les chercheurs montre que les jeunes qui ont des parents
ou des amis de type contrôlant qui n'encouragent pas l'autonomie
seront plus sujets à connaître les affres de l'indécision
par rapport au choix de carrière. Ces comportements influenceraient
significativement la perception d'autonomie et le sentiment d'efficacité
personnelle des jeunes. "Un jeune qui fait rire de lui par
ses amis lorsqu'il leur annonce qu'il aimerait devenir coiffeur
se trouve dans un contexte qui encourage beaucoup l'indécision",
fait valoir Frédéric Guay.
À l'opposé, les parents et amis qui appuient et
encouragent un jeune dans sa démarche de choix de carrière
favorisent le développement d'un sentiment d'efficacité
personnelle et d'autonomie. Selon les données récoltées
par les chercheurs, les filles se sentent généralement
plus autonomes et plus compétentes que les garçons
et, conséquemment, elles ressentent moins d'indécision
par rapport au choix de carrière. "Notre étude
est la première qui met en relation les facteurs personnels
et les facteurs de contexte qui interviennent dans l'indécision
par rapport au choix de carrière", souligne le chercheur.
Difficile équilibre
Les conclusions de cette étude ont des répercussions
pratiques sur le travail des conseillers en orientation. Jusqu'à
présent, l'indécision par rapport au choix de carrière
était souvent abordée sous l'angle des caractéristiques
personnelles de l'étudiant, comme le perfectionnisme,
la conscience de soi, la peur de l'engagement et l'anxiété.
"Notre recherche montre qu'il faut aussi considérer
le comportement des parents et des amis, explique Frédéric
Guay. Pour réduire l'indécision d'un étudiant
par rapport à son choix de carrière, les conseillers
doivent non seulement s'attarder aux habiletés personnelles
qui affectent la capacité de prendre des décisions,
mais ils doivent également travailler sur la perception
d'autonomie et le sentiment d'efficacité personnelle,
sinon la démarche risque d'échouer."
Pour ce qui est des parents et amis, le professeur Guay les invite
à relever un défi de taille. "Ils doivent
être à l'écoute des désirs du jeune,
l'encourager dans ses démarches, l'appuyer, lui fournir
de l'information pour qu'il puisse prendre une décision
éclairée, mais tout cela de façon non contrôlante",
insiste-t-il.
JEAN HAMANN
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