
Malbouffe extrême à la télé
Les publicités qui touchent l'alimentation
des enfants ont de quoi donner des boutons!
On savait déjà que les heures passées
devant le téléviseur ne contribuaient pas à
améliorer notre condition physique. Voilà que des
chercheures du Groupe d'étude sur l'interdisciplinarité
et les représentations sociales nous apprennent que le
contenu télévisuel est lui-même "obésitogène",
du moins en ce qui concerne la publicité sur les aliments
visant les enfants. Les chercheures Marguerite Lavallée
(Psychologie), Estelle Lebel (Information et communication) et
Anne-Marie Hamelin (Sciences des aliments et de nutrition) et
les étudiantes Annie Bédard et Amélie Dubé
arrivent à ce constat après avoir étudié
le contenu de publicités diffusées, pendant une
semaine, aux heures d'écoute les plus probables pour les
jeunes du primaire.
Au cours des 483 heures de télévision enregistrées
par les chercheures, les réseaux Radio-Canada, TVA, TQS,
Télé-Québec, Télétoon, Musique
Plus et Musimax ont diffusé 7 673 messages publicitaires,
dont 25 % à saveur alimentaire. Près des trois
quarts (74 %) des produits alimentaires annoncés dans
ces pubs ne font pas partie du Guide alimentaire canadien. Il
s'agit essentiellement de grignotines, de friandises, de collations
préparées et de diverses boissons. L'alimentation
d'un enfant qui s'inspirerait uniquement de ces messages aurait
de quoi donner des boutons aux nutritionnistes. "L'enfant
ne consommerait aucun pain de grains entiers, pas de produits
laitiers à la fois faibles en gras et en sucres, aucune
légumineuse ni aucune noix, constatent les chercheures.
Les seuls légumes qu'il consommerait seraient ceux qui
proviennent de repas pré-préparés ou de
repas au restaurant. Son alimentation globale serait déficiente
en fibres alimentaires; elle serait aussi fort probablement trop
riche en gras total, en gras saturés et en sodium. Un
repas sur trois serait un repas déjà confectionné
provenant de l'épicerie ou du restaurant."
Plusieurs messages publicitaires visent directement
les enfants malgré la réglementation à cet
égard
Quel code?
Même si elle est mauvaise conseillère en matière
d'alimentation, la télé ne se gêne pas pour
dispenser des messages nutritionnels à son jeune auditoire.
Les enfants canadiens passent 18 heures par semaine devant le
petit écran et ceux du Québec fracassent la barrière
des 20 heures. Lorsqu'il entre à la maternelle, un enfant
nord-américain moyen a déjà 5 000 heures
de télévision dans la caboche. Ceci représente,
grosso modo, 250 heures de messages sur la façon de se
nourrir.
En matière d'alimentation, le segment de marché
"enfants" n'est pas anodin, rappellent les chercheures.
"Chaque année, les quatre millions d'enfants canadiens
de 2 à 12 ans dépenseraient 1,5 milliard de dollars
de leur propre argent et influeraient sur l'achat d'articles
domestiques à hauteur de 15 milliards de dollars".
D'ailleurs, pour contrôler l'industrie de la publicité,
l'Association canadienne des radiodiffuseurs s'est dotée
d'un code pour les messages qui visent les enfants. "Les
normes de ce code ne s'appliquent qu'aux produits exclusivement
ou majoritairement utilisés par les 12 ans et moins, soulignent
les chercheures. Dans le cas précis de la nourriture,
notamment des boissons gazeuses et autres friandises sucrées
ou salées, les normes ne s'appliquent pas puisque ces
produits ne sont mangés ni exclusivement ni majoritairement
par les moins de 12 ans". Néanmoins, l'analyse des
chercheures montre que 30 % des messages publicitaires visent
directement les jeunes en présentant des personnages enfants
et adolescents. "Plusieurs messages visent directement les
enfants malgré la réglementation canadienne à
cet égard", jugent-elles.
Rappelons que plus du tiers des jeunes Canadiens ont un excès
de poids et que la prévalence actuelle de l'obésité
dans ce groupe d'âge - environ 13 % - aurait plus que doublé
depuis 1981.
JEAN HAMANN
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