
Jeux d'enfants
Les parents semblent mauvais juges quand vient le temps de
mesurer les ravages des jeux de hasard et d'argent sous leur
propre toit
L'illusion que "nos enfants sont toujours plus fins"
correspond tout à fait à la perception qu'ont les
parents québécois du problème des jeux d'argent
chez les jeunes. En effet, les parents surestiment la prévalence
du jeu problématique chez les jeunes alors qu'ils sous-estiment
les chances que leur propre enfant soit aux prises avec ce problème!
Voilà ce qui ressort d'une enquête menée
au printemps 2000 par les chercheurs Marie-Annick Côté
et et Robert Ladouceur, de l'École de psychologie, et
par leur collègue montréalais Frank Vitaro. L'étude
a porté sur 597 personnes de toutes les régions
du Québec qui étaient parents d'enfants âgés
entre 5 et 17 ans au moment de l'enquête téléphonique.
Les résultats de cette recherche, publiés dans
une récente livraison de la revue Psychologie canadienne,
montrent que les répondants estiment qu'environ 50 % des
jeunes ont joué au moins une fois dans la dernière
année. S'ils avaient misé là-dessus, ils
auraient remporté le magot puisque l'Institut de la statistique
du Québec vient d'établir que 51 % des jeunes s'adonnent
à pareilles activités. Par ailleurs, les parents
estiment que 17 % des jeunes sont des joueurs problématiques
alors qu'une étude antérieure réalisée
par l'équipe de Robert Ladouceur arrivait plutôt
au chiffre de 10 %.
Un double standard parental
Les parents semblent mauvais juges quand vient le temps de
mesurer les ravages du jeu sous leur propre toit. Ainsi, seulement
22 % des répondants croient que leur petit ange a déjà
parié de l'argent ou un objet à des jeux de hasard
et d'argent. L'équipe de Robert Ladouceur a déjà
démontré que 86 % des enfants de 8 à 12
ans ont déjà misé de l'argent et 37 % ont
misé un objet important dans des jeux de hasard. Par ailleurs,
seulement 4 % des parents jugent que leur enfant s'adonne trop
à pareils jeux, un estimé nettement inférieur
à la prévalence du jeu problématique qui
se situe quelque part entre 8 et 11 % chez les 9 à 17
ans. "Les parents mésestiment la probabilité
que leur enfant soit un joueur problématique et ils établissent
un double standard avec les jeunes en général",
résument les chercheurs.
Les jeunes actuels forment la première génération
qui évolue dans un monde où l'incitation à
parier est chose courante et leurs parents sont les premiers
à éduquer des enfants dans un tel contexte, soulignent
les trois chercheurs. Considérant que les habitudes de
jeu apparaissent à un âge précoce, qu'elles
sont reliées à celles des parents et que près
deux adultes sur trois s'adonnent aux jeux de hasard et d'argent,
les familles actuelles sont les sujets d'une expérience
sociale sans précédent. Expérience dont
l'issue est aussi difficile à prédire que la combinaison
gagnante de la 6/49.
JEAN HAMANN
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