
"Un jour, un jour"
Expo 67 est devenue un élément
de l'identité québécoise
En 1967, Montréal fut l'hôte d'une remarquable
reconstitution du monde édifiée sur des îles
du fleuve Saint-Laurent: Expo 67. Immensément populaire,
l'exposition universelle de Montréal a enregistré
quelque 50 millions d'entrées durant ses six mois d'existence.
Pour Pauline Curien, adjointe à la rédaction d'Anthropologie
et sociétés, une revue savante du Département
d'anthropologie, de surcroît auteure d'une thèse
de doctorat en science politique sur le sujet, Expo 67 a été
un moment d'exultation pour les concepteurs du pavillon du Québec
et pour les centaines de milliers de Québécois
qui ont probablement circulé sur ce site exceptionnel.
"Les uns et les autres, explique-t-elle, se sont approprié
ce qu'il y avait d'extraordinaire à Expo 67 pour redéfinir
une image gratifiante et jubilatoire du Québec."
Dans sa thèse, dont elle a fait la soutenance le 22 août,
Pauline Curien se penche sur le rôle joué par Expo
67 dans l'évolution de l'identité québécoise.
C'est à cette occasion que les Québécois
se sont sentis devenir modernes: ils ont eu l'impression que
le Québécois francophone moderne supplantait définitivement
le Canadien français folklorique. "Le passage entre
ces deux grands récits collectifs était déjà
entamé depuis la Révolution tranquille et l'Expo,
agissant comme un accélérateur, a permis de parachever
le travail, indique-t-elle. En fait, l'intérêt d'Expo
67 était qu'elle ne se limitait pas à parler aux
élites. Elle parlait à tous les Québécois
et le peuple attendait ce discours. L'Expo 67 leur a donné
l'occasion de s'inventer une nouvelle identité, moderne
et gratifiante; aujourd'hui, l'Expo fait partie de l'identité
québécoise."
Le pavillon du Québec en a surpris plus d'un. Le contenu
de ce bâtiment moderne entouré d'eau, aux lignes
sobres et élégantes et aux murs extérieurs
en verre, s'articulait autour de trois thématiques: le
défi, le combat et l'élan. Dans cette audacieuse
représentation d'un Québec affranchi de son passé
et tourné vers l'avenir, la foi, la tradition et l'Église
catholique cédaient la place à la raison, la modernité
et l'État. On y montrait notamment l'industrialisation
et l'extension du réseau routier. Le design industriel,
architectural ou d'intérieur était partout. Même
les moyens de présentation constituaient des attraits.
"Beaucoup de choses étaient représentées
avec le cube comme élément de base, souligne Pauline
Curien. Blanc, coloré, assemblé ou transparent,
il a entre autres servi à représenter la ville
et la forêt."
S'il mettait en valeur le dynamisme économique de l'époque,
le pavillon restait muet sur le bouillonnement politique qui
agitait le Québec. En fait, le Québec apparaissait
presque comme un pays indépendant puisqu'on y faisait
peu d'allusions à son inclusion dans le Canada.
Un rôle démythifié
Un des temps forts d'Expo 67 fut certes la visite du général
de Gaulle au Québec et son célèbre discours
prononcé le 24 juillet sur le balcon de l'hôtel
de ville de Montréal. Pour Pauline Curien, le climat jubilatoire
qui régnait à Montréal et au Québec
en raison de l'exposition universelle a contribué à
amplifier le message du général. "Si de Gaulle
a eu ce rôle pour le Québec, dit-elle, c'est sans
doute que le contexte était très propice à
des déclarations grandiloquentes. Les gens étaient
extrêmement fiers d'être Québécois,
que l'exposition universelle se tienne à Montréal
et qu'elle soit aussi remarquable. Je pense que l'enthousiasme
ambiant n'a fait qu'amplifier l'effet du discours du général."
YVON LAROSE
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