Francophonie canadienne: succès mitigé
Gratien Allaire, professeur au Département d'histoire
de l'Université Laurentienne de Sudbury, en Ontario, a
toutes les raisons de se réjouir de l'évolution
de la francophonie canadienne lorsqu'il compare la situation
actuelle avec le choc culturel qu'il a éprouvé,
comme Québécois, en débarquant à
Edmonton dans les années soixante. Les communautés
francophones gèrent désormais leurs écoles,
le réseau associatif étonne par sa vigueur et sa
diversité, et les Francos-Ontariens ont même réussi
à conserver l'hôpital Montfort, à Ottawa,
grâce à un jugement de la Cour d'appel provinciale,
alors que l'ancien premier ministre Mike Harris avait décidé
de fermer l'établissement. La loi sur les langues officielles,
la Charte des droits et libertés et la réforme
constitutionnelle dans les années 1990 ont permis, selon
le professeur, de renforcer la francophonie. Voilà pour
les bonnes nouvelles.
Du même souffle, Gratien Allaire souligne que cette même
francophonie souffre d'un grave problème: celui de la
désertion des jeunes. Ces derniers ont tendance à
quitter leur milieu d'origine pour rejoindre les grands centres
urbains où les communautés francophones sont moins
organisées. De plus, la culture de souche française
ne correspond plus à leurs aspirations et ils préfèrent
se tourner vers la musique ou les films de la majorité
anglophone. Il faudrait donc, selon l'historien, que cette jeunesse
parvienne à faire accepter sa version de la francophonie
canadienne, de la même façon que la génération
précédente a fait évoluer la culture francophone
voici deux ou trois décennies.
Une partie de la solution passe, à l'entendre, par les
écoles. Actuellement, si les jeunes francophones fréquentent
en masse l'école primaire, une bonne partie d'entre eux
optent dès le secondaire pour le réseau anglophone.
En effet, ces élèves savent pertinemment qu'ils
auront sans doute des difficultés, quelques années
plus tard, à trouver un établissement offrant des
études post-secondaires correspondant à leurs besoins.
Selon Gratien Allaire, les administrations scolaires francophones
auraient donc tout intérêt à réfléchir
aux types d'écoles dont les communautés ont besoin
pour se développer, ainsi qu'à un réseau
accueillant les élèves qui terminent leurs études
secondaires en français. L'apport des nouveaux arrivants
francophones, venus de l'étranger ou du Québec,
constitue également un facteur d'enrichissement pour les
communautés, à condition qu'ils bénéficient
de structures d'accueil et que les populations locales soient
préparées, comme à Sudbury, à les
intégrer.
PASCALE GUÉRICOLAS
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