Des femmes exclues de la paix
Dans beaucoup de pays qui ont été ravagés
par des conflits armés, elles ne sont pas intégrées
au processus de reconstruction
Un élément ressort nettement du Colloque "Femmes
et conflits armés: réalités, leçons
et avancements des politiques", organisé la semaine
dernière par la Chaire de recherche du Canada en sécurité
internationale: en matière de reconstruction de pays ravagés
par les conflits, les miracles n'existent pas. Qu'il s'agisse
du Guatemala, du Timor ou de l'Afghanistan, les régimes
en place éprouvent bien des difficultés à
changer radicalement leur attitude envers les femmes et à
les intégrer véritablement au processus de paix.
Petit tour d'horizon d'une planète meurtrie.
Souvenez-vous, c'était hier, l'hiver 2001 en Afghanistan.
Les Occidentaux triomphaient, ils avaient vaincu les Talibans,
les burkas allaient tomber et les petites filles pourraient enfin
apprendre à lire et à écrire. Un peu plus
d'un an après, le gouvernement intérimaire de Karzaï
contrôle à peine la capitale Kaboul, et la burka
fait encore partie de la garde-robe traditionnelle. "Beaucoup
de parents n'envoient toujours pas leurs filles à l'école
car ils craignent que leur sécurité ne soit pas
assurée sur le trajet" raconte Sonia Jedidi, qui
a fondé ACTED, une ONG spécialisée dans
l'éducation.
Selon cette chercheuse à l'Université Paris 8,
les Afghanes ont bien des difficultés à lutter
contre les règles issues d'une interprétation très
stricte de l'islam et à s'imposer comme de véritables
partenaires de la reconstruction nationale. Les rares ministres
féminines n'ont qu'un pouvoir très limité,
même quand elles suggèrent des changements modestes
comme celui d'enregistrer officiellement les mariages et les
décès ou de doter chaque citoyenne d'une carte
d'identité.
Des résistances séculaires
À quelques milliers de kilomètres de là,
au Soudan, les femmes éprouvent tout autant de difficultés
à participer aux négociations de paix. "Souvent,
celles qui sont présentes se taisent ou ne représentent
qu'un parti politique", souligne Suehila Elkateb, qui travaille
pour la consolidation de la paix au sein de l'ACDI. Selon elle,
il faut absolument que les organisations non gouvernementales
prévoient des fonds spécifiques consacrés
aux femmes après un conflit, car le poids des conventions
les éloigne souvent de ce type de financement. Ainsi,
aux dires de Sonia Jedidi, les ONG féminines en Afghnanistan
manquent d'argent car leurs dirigeantes n'ont pas l'habitude
de travailler sur des projets d'envergure, et n'osent pas dialoguer
avec les bailleurs de fonds à l'étranger qui sont
très souvent des hommes. De plus, comme le souligne Suehila
Elkateb, il faut absolument prendre en compte les résistances
de sociétés marquées par des siècles
de rapports inégalitaires entre hommes et femmes. "L'erreur
que nous avons commise dans les territoires palestiniens occupés,
c'est de ne pas assez travailler avec les éléments
les plus conservateurs", précise-t-elle. Sonia Jedidi
renchérit en remarquant que les ONG ne doivent pas seulement
embaucher des femmes éduquées, mais aussi constituer
un groupe témoin représentatif de la société
dans laquelle elles se trouvent.
Un des moyens de contribuer à changer les mentalités
passe peut-être par l'embauche massive de femmes dans la
police de pays ravagés par les conflits. Julie Faucher,
impliquée avec la Gendarmerie royale du Canada dans un
programme d'aide internationale, témoigne ainsi de la
réussite de quelques projets menés au Guatemala
et au Timor. Dans ce dernier pays, les femmes forment désormais
près de 22 % de l'effectif policier et elles commencent
à s'attirer le respect de leurs compatriotes masculins.
Même s'il faudra attendre encore quelques années
pour tracer véritablement un bilan de ce genre d'expérience,
d'ores et déjà les femmes semblent moins victimes
d'intimidation dans cette société.
PASCALE GUÉRICOLAS
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