Une peau qui a du nerf
Les travaux du Laboratoire d'organogenèse expérimentale
pourraient permettre aux grands brûlés de recouvrer
une partie de leur sensibilité perdue
Des chercheurs du Laboratoire d'organogenèse expérimentale
(LOEX) ont mis au point une méthode de culture cutanée
qui favoriserait la régénération nerveuse
de la peau chez les grands brûlés, annonce une récente
livraison de la revue scientifique Biomaterials. Cette découverte
apporterait une solution à un problème important
auquel sont confrontées les victimes de brûlures
graves. En effet, bien que la médecine parvienne maintenant
à sauver des personnes dont plus de 90 % du corps a été
calciné, les brûlures détruisent en partie
ou totalement les nerfs de la peau. Comme peu de régénération
nerveuse survient après coup, leur peau perd une bonne
partie de sa sensibilité.
Grâce à des techniques de génie tissulaire,
Marie Gingras, Isabelle Paradis et François Berthod ont
produit une "éponge" cutanée, parsemée
de minuscules pores, offrant une structure propice au retour
des cellules nerveuses dans la peau reconstruite. Pour produire
ce biomatériau, les chercheurs du LOEX mélangent
du collagène bovin, du chitosan (un sucre extrait de la
carapace des crustacés) et de la chondroïtine sulfate,
qu'ils congèlent puis lyophilisent. "Des pores prennent
la place occupée par l'eau avant la lyophilisation, de
sorte qu'on se retrouve avec un matériau qui ressemble
à une éponge", explique Marie Gingras. Les
chercheurs ensemencent ensuite cette structure alvéolaire
avec des cellules provenant du derme humain. Après quelques
jours de culture in vitro, ils y ajoutent des cellules de l'épiderme.
Trois semaines plus tard, la peau reconstruite est prête
pour la transplantation.
Des tests effectués chez des souris ont montré
que les nerfs envahissent la peau reconstruite 60 jours après
la greffe. D'autres observations effectuées 90 et 120
jours après l'intervention révèlent que
la prolifération nerveuse s'intensifie avec le temps.
"La structure tridimensionnelle de ce biomatériau
favorise la croissance des nerfs. La prochaine étape consiste
à évaluer la sensibilité et la fonctionnalité
de ces nerfs", commente Marie Gingras. Fait intéressant,
le biomatériau mis au point par l'équipe de François
Berthod favoriserait également un retour rapide des vaisseaux
sanguins.
JEAN HAMANN
|