Consommateurs avertis en devenir
Une étude suggère que les cégépiens
démontrent une certaine compétence dans leurs achats
Marie J. Lachance, professeure au Département d'économie
agroalimentaire et des sciences de la consommation, et Nadia
Choquette-Bernier, étudiante à la maîtrise
en psychopédagogie, viennent de compléter le premier
volet d'une étude exploratoire sur les compétences
en consommation des jeunes de 18 ans et plus. Cette étude
est financée par le Conseil de recherche en sciences humaines
du Canada. Le premier volet a consisté à interviewer
douze étudiantes et étudiants, dont huit filles,
de trois cégeps de la région de Québec.
Les répondants, tous issus de la classe moyenne, étaient
pour la plupart âgés entre 18 et 21 ans. Les deux
tiers vivaient en famille et tous occupaient un emploi à
temps partiel. Bien que les résultats ne puissent être
généralisés à l'ensemble de la population
visée, ils suggèrent néanmoins d'intéressantes
pistes de recherche qui orienteront le second volet de l'étude.
Ce volet consistera en un sondage qui sera réalisé
à l'automne auprès d'un millier de jeunes cégépiens
francophones et anglophones des régions de Québec
et de Montréal.
"Tous les répondants savent que cela prend des habiletés
particulières pour être un bon consommateur, c'est-à-dire
pour faire des choix éclairés dans notre société
de consommation complexe, indique Marie J. Lachance. Ils ont
notamment mentionné le fait de bien identifier ses besoins,
de résister à l'influence de la publicité
et des amis, d'être vigilant. La plupart se considèrent
compétents comme consommateurs. Ils font du magasinage
comparatif, réfléchissent, attendent ou parlent
avec des gens plus expérimentés et plus informés
qu'eux avant de procéder à l'achat. Cela dit, il
se peut qu'ils se considèrent compétents parce
qu'ils n'ont pas encore vécu de problèmes de consommation
majeurs étant donné leur peu d'obligations financières."
L'influence parentale et scolaire
La mère demeure en très grande partie responsable
de la consommation familiale au Québec. Une majorité
de jeunes interviewés voient dans cette dernière
l'agent le plus influent en matière d'apprentissage en
consommation. Elle leur a surtout transmis des habiletés
liées à la vigilance: patience, recherche d'information,
calcul et planification des dépenses, etc. La contribution
du père, apparemment plus grande que dans le passé
en ce domaine, touche à des aspects comme la planification
à long terme, le budget et la surconsommation.
La plupart des répondants ont souligné l'importance
de l'éducation à la consommation dans les écoles,
allant même jusqu'à suggérer qu'elle débute
dès le primaire. Pour justifier celle-ci, ils évoquent
souvent le rapport malsain à l'argent, notamment l'endettement.
"Ils sont peut-être frappés par ceux qui vivent
de mauvaises expériences comme l'endettement, avance la
chercheure. Au cégep, ce problème commence, entre
autres, avec les cartes de crédit."
L'étude a mis en lumière le fait que la consommation
n'est pas toujours une expérience excitante chez les jeunes.
Si le plaisir ou la satisfaction se manifestent habituellement
lors d'un achat, certains répondants mentionnent ressentir
à l'occasion des sentiments négatifs comme la frustration
(à la suite d'un mauvais choix), le regret, la culpabilité
(achat au-dessus de ses moyens) et même la honte (produit
de mauvaise qualité choisi sans jugement). "Ces résultats
nous ont étonné car ils reflètent ce que
l'on trouve chez les adultes, comme l'achat compulsif, souligne
Marie J. Lachance. On s'imagine que les jeunes sont au-dessus
de tout ça et qu'ils ne sont pas encore vraiment dans
la réalité. Or, ils vivent des frustrations."
Les jeunes Québécois représenteraient un
marché de 1,5 à 2 milliards de dollars annuellement.
Bien que leurs revenus et leurs dépenses personnelles
soient en augmentation constante, très peu d'études
se sont penchées à ce jour sur les compétences
en consommation de ce groupe cible.
YVON LAROSE
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