Un droit plus humain
Des étudiants stagiaires se transforment
en agents de changement social
Une cinquantaine d'étudiantes et étudiants en
droit ont assisté, le mardi 25 mars au pavillon Charles-De
Koninck, à une séance d'information sur le programme
Pro bono Students Canada offert dans le cadre du cours Service
juridique. C'est dire la popularité grandissante de ce
programme national, lancé en 1996 à la Faculté
de droit de l'Université de Toronto, et qui a démarré
à Laval en 2001. Son principal objectif consiste à
sensibiliser les étudiants aux problèmes soulevés
par l'application concrète des lois, particulièrement
en droit social. Le programme s'adresse surtout aux étudiants
en fin de baccalauréat.
Dix-huit étudiantes et étudiants effectuent présentement
et de façon bénévole un stage supervisé
auprès de 12 organismes qui n'ont pas les moyens financiers
de faire appel aux services d'avocats. On compte parmi eux l'Association
coopérative d'économie familiale Rive-Sud de Québec,
le Curateur public du Québec, le Bureau d'aide juridique
et Facto, l'entreprise d'entraînement de l'Université
Laval.
Certains plaident, d'autres informent
La loi du Barreau interdit aux non-avocats de donner des
conseils juridiques. Pour cette raison, les étudiants
stagiaires se limitent à donner de l'information de nature
juridique à la clientèle. "Sauf dans le cas
de la Cour canadienne de l'impôt, précise André
Lareau, le professeur responsable du cours Service juridique.
Si le montant en litige est inférieur à 12 000
$ par an, le contribuable peut être représenté
par toute personne. Nous jouons ce rôle et nous représentons
cette personne qui n'est pas déjà représentée
par un avocat. Sinon, nos étudiants accueillent, écoutent
et informent."
André Lareau n'hésite pas à qualifier
de formidable l'expérience vécue par ses étudiantes
et étudiants. "La passion, dit-il, s'empare d'eux."
Selon lui, les étudiants se perçoivent en quelque
sorte comme des agents de changement social. "On voit qu'ils
sont animés d'une ferveur particulière, explique-t-il.
Cela prend des gens qui ont le goût d'intervenir."
Qui dit stage, dit forcément contact humain. "Cet
aspect, indique André Lareau, est tel en stage que lorsque
l'étudiant débutera sa carrière, il n'oubliera
pas cette sensibilité particulière que l'on doit
avoir avec ceux et celles qui viennent nous voir et qui sont
dans le besoin."
Du toxicomane au contribuable
Marie-Hélène Leblanc-Bourque est actuellement
stagiaire à la maison d'entraide pour toxicomanes Le Rucher.
Environ les deux tiers de la clientèle ont déjà
eu des démêlés avec la justice et plusieurs
personnes ont des causes pendantes en cour. De nombreuses questions
adressées à Marie-Hélène touchent
au droit familial: garde des enfants, divorce, créanciers,
etc. "Le cours pourrait s'appeler Initiation à la
pratique!, lance-t-elle. On met en uvre tout ce qu'on a appris
en théorie. On réalise à quel point nos
connaissances peuvent réellement servir à des gens
qui sont assis en face de nous. Cela confirme que je suis dans
la bonne direction." Selon elle, le stage devient pour plusieurs
une expérience de vie. "C'est devenu un intérêt
personnel, dit-elle. Ce n'est plus seulement pour un cours que
je fais ça."
À la session d'automne, Angela Veitch et Jean-Nicolas
Prévost ont plaidé ensemble à Montréal
devant la Cour canadienne de l'impôt dans une cause en
fiscalité des pensions alimentaires. "Nous plaidions
que madame n'avait pas à inclure sa pension alimentaire
à son revenu, explique Angela. Nous avons perdu la cause.
Mais dans son jugement, le juge a indiqué que nous avions
fait un excellent travail, que nous avions du talent. Même
le procureur du Ministère, qui était contre nous,
nous a félicité. Je ne pensais jamais être
plaideuse. Mais j'ai changé d'idée."
YVON LAROSE
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