Les nourritures terrestres
Les personnes âgées ont besoin d'une dose
quotidienne d'autonomie pour leur santé psychologique
comme elles ont besoin d'aliments pour leur santé physique
L'alimentation signifie bien plus que des repas pour les personnes
âgées qui vivent en centre d'hébergement.
Aussi, si on a vraiment leur bien-être à cur, il
faut solliciter leur avis, prendre en considération leurs
commentaires et leur laisser toute l'autonomie possible sur l'ensemble
des aspects relatifs à leur alimentation. Voilà
les principales recommandations qui se dégagent d'une
étude-pilote que publient Gale West, du Département
d'économie agroalimentaire et des sciences de la consommation,
Denise Ouellet, du Département des sciences des aliments
et de nutrition, et Stéphanie Ouellette, de l'Hôpital
Général de Montréal, dans le numéro
de mars de la revue scientifique The Journal of Applied Gerontology.
La malnutrition est un problème courant dans les centres
d'hébergement pour personnes âgées puisqu'on
estime qu'entre 40 % et 85 % des résidents n'ont pas une
alimentation adéquate. Cette situation a des répercussions
sur la santé physique et psychologique des résidents.
Heureusement, ce problème peut être prévenu
ou corrigé, avancent les trois chercheures, mais pour
cela il faut que les responsables des centres sachent quels sont
les aspects importants des services alimentaires pour les résidents
et quels aspects causent de l'insatisfaction. C'est ce qu'ont
fait les trois chercheures, en menant une enquête auprès
de 69 résidents et de 52 employés de neuf centres
d'hébergement pour personnes âgées de Québec
et de Laval.
Premier constat, l'étude démontre clairement que
l'on ne peut s'en remettre aux impressions des membres du personnel
de l'établissement pour évaluer correctement le
degré de satisfaction et l'importance que les résidents
accordent à différents éléments relatifs
à l'alimentation. En effet, exception faite du respect
des personnes qui vient au sommet des priorités des deux
groupes, les employés errent fréquemment dans leur
interprétation de ce que les résidents jugent important
dans les services alimentaires. Pour les résidents, les
points majeurs relèvent de la qualité de vie générale:
se sentir chez soi, pouvoir se nourrir soi-même, etc. Viennent
ensuite des éléments comme avoir accès à
des plats appétissants et à un choix varié
de menus. Les scores accordés par le personnel diffèrent
pour 25 des 29 points de l'enquête. Le plus souvent, les
employés surestiment l'importance des divers points étudiés
ainsi que le degré de satisfaction des résidents.
Autonomie et estime de soi
À titre d'exemple, les chercheures soulignent que
la capacité de se nourrir seul vient au premier rang du
côté des résidents, mais seulement au 11e
rang selon les employés. "Ceci peut conduire le personnel
à assister prématurément le résident
lors des repas ou à négliger de demander l'aide
d'une ergothérapeute pour corriger le problème."
Pourtant, expliquent-elles, pouvoir se nourrir seul a une dimension
presque symbolique pour les résidents, un acte qui leur
permet de conserver leur estime d'eux-mêmes et le respect
des autres, mais le personnel sous-estime cet aspect.
Les résidents accordent les plus basses notes de satisfaction
aux points relatifs à l'autonomie, du type "on me
demande quels menus servir", "je peux modifier mon
choix de menu", "je peux changer de table dans la salle
à manger", "je peux choisir la taille des portions",
"je peux offrir des collations à mes invités".
Le taux de satisfaction relativement bas par rapport aux éléments
d'autonomie est préoccupant, jugent les auteures de l'étude.
"Il est important de créer un sentiment de contrôle
et de respect des préférences alimentaires en demandant
aux résidents ce qu'ils veulent et en tenant compte de
leurs commentaires. Les personnes âgées qui vivent
en centre d'hébergement ont besoin d'une dose quotidienne
d'autonomie pour leur santé psychologique comme elles
ont besoin d'aliments pour leur santé physique."
JEAN HAMANN
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