L'horreur au tribunal
Une justice pénale internationale, permanente et indépendante,
prend forme
À la fin des années 1990, la création de
la Cour pénale internationale (CPI), reliée au
système des Nations Unies, a constitué une étape
importante dans l'établissement d'une justice pénale
internationale, permanente et indépendante, apte à
juger des individus responsables de crimes contre l'humanité,
de crimes de guerre, de crime de génocide ou de crime
d'agression. Selon le statut de la Cour, les États signataires
ont l'obligation de juger les responsables de telles atrocités,
ou de les déférer à la Cour. À ce
jour, 90 pays ont ratifié le texte de la Convention de
Rome créant la CPI.
Le dimanche 2 mars, au pavillon Charles-De Koninck, Nicole Duplé,
professeure à la Faculté de droit, a prononcé
une conférence sur le thème "La poursuite
et la répression des crimes contre l'humanité".
Cette présentation avait lieu dans le cadre des activités
du Mois du droit. Selon elle, la limitation de la compétence
de la CPI dans le temps pose problème. "La Cour,
dit-elle, est compétente pour juger des crimes commis
après le 1er juillet 2001. Si un État devient partie
du statut après cette date, la compétence de la
Cour ne peut s'exercer qu'à l'égard des crimes
commis après l'entrée en vigueur du statut pour
cet État."
Un autre problème qui se pose découle du fait que
certains pays, et non des moindres comme l'Inde et les États-Unis,
n'ont pas ratifié le statut de la Cour. "Les Américains
craignent de faire l'objet de poursuite pour des motifs essentiellement
politiques dans le cadre de leur participation aux opérations
de maintien de la paix, indique Nicole Duplé. Cet argument
n'est guère convaincant car la Chambre préliminaire
de la Cour a pour tâche d'éliminer les plaintes
qui ne reposent pas sur des faits suffisamment solides pour justifier
une poursuite. Certes, le fait que tous les États de la
planète n'aient pas adhéré au statut affaiblit
le rôle de la Cour et l'espoir de mettre fin à l'impunité."
Des États laxistes ou incapables
Selon Nicole Duplé, il était souhaitable de
créer la CPI pour contrer le laxisme ou l'incapacité
de certains États à réprimer les grands
criminels qui relèvent de leur juridiction. "Nombre
de personnes impliquées dans des crimes contre l'humanité
n'ont jamais été jugées, explique-t-elle,
alors que les États qui auraient eu la possibilité
de le faire connaissent parfaitement leur présence sur
leur territoire." L'ancien dictateur ougandais Idi Amin
Dada, qui vit paisiblement en Arabie Saoudite, est l'un d'eux.
En revanche, certains États sont allés très
loin. Ces dernières années, des victimes alléguées
de génocide ou de crimes contre l'humanité ont
intenté de nombreuses poursuites devant les tribunaux
français, allemands, espagnols, italiens et belges. En
Allemagne, la justice a notamment condamné un Serbe à
la prison à perpétuité dans le dossier du
nettoyage ethnique en ex-Yougoslavie.
Qu'il s'agisse des Huns, des conquistadors espagnols ou des responsables
du génocide arménien, les auteurs de crimes contre
l'humanité, ces actes inhumains perpétrés
contre les populations civiles, ont pu, jusqu'à une époque
récente, commettre leurs atrocités en toute impunité.
Ce n'est qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que la
responsabilité individuelle des auteurs de crimes contre
l'humanité a été affirmée en droit
international. En 1945, le tribunal militaire de Nuremberg était
institué pour juger les hauts dignitaires nazis, responsables
de l'extermination de près des deux tiers de la population
juive d'Europe. Plus près de nous, le Conseil de sécurité
de l'ONU, s'inspirant de l'exemple de Nuremberg, a mis sur pied
deux tribunaux ad hoc, pour les atrocités commises
en ex-Yougoslavie et au Rwanda.
YVON LAROSE
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